FNC 2019 – Angel of the North, de Jean-Michel Roux

Un vrai cinéphile est forcément quelqu’un qui croit que l’art peut avoir une influence sur la vie. Non pas au sens d’un quelconque militantisme béât, mais bien au sens où l’art permet à la fois de susciter des émotions qui nous marquent au fer rouge nous, cinéphiles, mais aussi d’offrir des clés de lecture pour la compréhension du réel. Une vie pleinement vécue doit inclure à la fois des émotions et du sens.

Angel of the North est à la fois une oeuvre d’art et un film SUR une oeuvre d’art. Le sujet principal est L’Ange blessé, la toile la plus célèbre de Finlande, peinte par Hugo Simberg au tout début du XXème siècle. Cherchant d’abord à retracer l’histoire du tableau et sa signification, le documentaire débouche rapidement sur une fresque impressionniste qui cherche à capter l’âme d’un peuple. Des gens de tous les âges et de toutes les conditions seront appelés à se prononcer sur ce que la toile en question signifie pour eux et pour leur pays: des enfants, des vieillards, des artistes, un pasteur, des intellectuels, des travailleurs, etc. Loin de se contenter d’une analyse en surface, Angel of the North met à nu une psyché finnoise empreinte de mysticisme et de résilience, à des lieux de ce qu’un commentaire superficiel aurait pu dépeindre. La direction photo éthérée, brumeuse, se situe à cheval entre le film de famille et l’expérimentation, et ménage plusieurs scènes très touchantes. Il y a indiscutablement quelque chose d’anachronique dans ce désir d’aller au fond des choses, quitte à parfois ralentir le tempo et multiplier les digressions, mais un anachronisme rafraîchissant.

Le réalisateur Jean-Michel Roux (seul Français parmi une équipe et un casting à 100% finlandais) a réussi un impressionnant pari: un documentaire qui fait tenir en équilibre l’analyse d’une oeuvre, l’analyse d’une société, les portraits d’une foule de personnages attachants et les séquences purement oniriques, sans que jamais aucun versant ne semble totalement prendre le dessus sur un autre. Un film dont on sort complètement revigoré. L’édition 2019 du Festival du Nouveau Cinéma commence de belle façon!