Critique – Parasite, de Bong Joon-ho

Le cinéma sud-coréen des dernières années est une véritable mine d’or (à tout le moins pour les films qui connaissent une exploitation chez nous): tant pour la quantité que pour la qualité, on peut sans aucun doute dire qu’il s’agit d’un des cinémas nationaux les plus intéressants de notre époque, si ce n’est le plus intéressant tout court. Outre leurs qualités plastiques qui défient tous les standards mondiaux, ce qui frappe en général le plus dans les films sud-coréens, c’est leur don inné pour le mélange des genres: on y passe sans temps morts de la comédie à l’horreur et du drame à l’action, sans jamais forcer le ton ou paraître rapiécé. Ce n’est que justice si une telle vitalité s’attire les louanges à l’étranger. Parasite en est un bon exemple, lui qui est le premier film sud-coréen à remporter la Palme d’or à Cannes.

Bong Joon-ho s’était déjà démarqué il y a longtemps avec The Host en 2006, film de science-fiction complètement décalé où perçait déjà un goût prononcé pour l’humour noir ainsi qu’un intérêt pour les marginaux et les personnages issus de classes sociales défavorisées. Dans Parasite, il narre les mésaventures de la famille Kim, chômeurs roublards (qui ne sont pas sans parenté avec nos Bougons) qui parviennent à se faire engager un à un comme domestiques chez la riche famille Park. Évidemment, au-delà de leur simple survie financière, les Kim espèrent au passage en profiter pour soutirer ce qu’ils peuvent. Ce qui débute comme une satire sociale grinçante finira par déboucher sur un drame complètement imprévisible.

À la caméra, Bong Joon-ho parvient à déployer une mise en scène tantôt aérienne, tantôt intimiste, tirant profit d’un casting extrêmement typé mais néanmoins attachant. Évitant toute lourdeur liée à la question (néanmoins sous-jacente) de la lutte des classes, le développement de l’intrigue et des personnages ne tombe jamais dans la complaisance ou le parti-pris, au point qu’on s’y sent davantage chez Céline que chez Karl Marx. Rythmé, ingénieux et drôle, Parasite est un film particulièrement maîtrisé.