FNC 2019 – Color Out of Space, de Richard Stanley

Pas facile d’adapter H.P. Lovecraft au cinéma. L’oeuvre de l’un des plus célèbres écrivains d’horreur américain est à ce point basée sur le non-dit, sur l’indicible, sur l’inaltérable solitude et sur les perceptions troubles qu’elle pose de multiples problèmes à celui qui souhaite en restaurer l’esprit. Si le bestiaire monstrueux élaboré par Lovecraft au fil de ses écrits a fasciné et inspiré des générations de cinéastes, bien peu de films d’horreur apparaissent authentiquement « lovecraftiens ». John Carpenter semble parmi les rares à s’en être approché dans In The Mouth of Madness, clairement un de ses meilleurs films.

Richard Stanley s’y est pourtant essayé avec Color Out of Space, d’après la nouvelle éponyme. Hormis quelques écarts (déplacement à l’époque contemporaine, refus du récit enchâssé…), le scénario est assez fidèle à l’oeuvre originale. La mise en scène ne se démarque pas par sa grande originalité, mais peut néanmoins compter sur une direction photo compétente, qui privilégie les couleurs vives, et sur des effets spéciaux très réussis, qui par moment rappellent la grande époque de Rob Bottin et de Rick Baker. Mais nous n’avons pas encore mentionné le principal: la performance décalée, rugissante et complètement over the top de Nicolas Cage, qui, après Mandy, s’offre un nouveau rôle de bon mari aimant dont la tranquillité va voler en éclats sous les yeux du spectateur médusé. Il n’est pas faux de dire que Cage écrase littéralement le film et le fait complètement dévier de ce qui aurait pu être sa voie normale, lui faisant par moment frôler le psychotronique.

Color Out of Space est donc un assez curieux objet: démarrant comme un film d’horreur assez convenu, avec l’éternelle famille isolée confrontée à un phénomène surnaturel qui mettra à l’épreuve sa solidarité en même temps que la santé mentale de ses membres, il ne résiste pas au bulldozer Cage. Au final, il déclenche davantage le rire que la peur. L’amateur de Lovecraft y reste donc sur sa faim, n’y ressentant rien (ou si peu) des frissons dans l’échine qui sont la marque du maître de l’horreur. Il faut néanmoins admettre que le tout est assez divertissant.