Mes 20 films d’horreur préférés (Partie 2 de 2)

Première partie ici

#10: THE SHINING (STANLEY KUBRICK, ANGLETERRE/ÉTATS-UNIS, 1980)

Ce qui fait que Stanley Kubrick est un des cinéastes les plus unanimement salués de l’histoire, c’est parce que nombre de ses films passent pour être la quintessence d’un genre. Que dire la comédie satirique après Dr. Strangelove, de la science-fiction après 2001 et A Clockwork Orange, du film de guerre après Full Metal Jacket? Et, pour le sujet qui nous intéresse, que dire du film d’horreur après The Shining? The Shining c’est une famille, un hôtel, et une atmosphère de peur glaciale qui s’incruste de la première à la dernière seconde. Mais Kubrick est aussi celui qui avait compris, peut-être mieux que quiconque, que le cinéma, c’est d’abord et avant tout des sons et des images qui marquent. Comment oublier les torrents de sang qui jaillissent de l’ascenseur de l’Overlook, les fantômes des deux fillettes et leurs corps mutilés dans les couloirs, le cadavre en putréfaction dans le bain, et surtout, surtout, le regard halluciné et le rictus féroce de Jack Nicholson?

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#9: LET SLEEPING CORPSES LIE (JORGE GRAU, ESPAGNE/ITALIE, 1974)

Second film de zombies dans cette liste, Let Sleeping Corpses Lie se situe dans la campagne reculée du nord de l’Angleterre, dans un petit village où des morts reviennent à la vie suite à une expérience gouvernementale hors de contrôle. Tantôt film gore, tantôt œuvre d’anticipation politico-environnementale, ce film d’exploitation à petit budget vise incroyablement juste en alliant une mise en scène très libre, une atmosphère oppressante et un merveilleux sens du rythme et du suspense. Si le gothique et la contre-culture pouvaient se marier dans une œuvre, c’est bien devant la caméra du méconnu Jorge Grau.

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#8: REPULSION (ROMAN POLANSKI, ANGLETERRE, 1965)

Pour son premier film réalisé de l’autre côté du rideau de fer, Roman Polanski explore certains des thèmes qui feront sa marque de fabrique, soit l’isolement et la paranoïa. Sorti en pleine époque de libération des mœurs, le génie de Repulsion consiste à traquer sur le corps et le visage déjà iconiques de la sublime Catherine Deneuve les signes d’une angoisse morbide par rapport à la sexualité. L’autre marque de génie du film consiste en sa façon très naturelle d’alterner des moments de réalisme cru avec des passages d’un onirisme décomplexé, faisant ressentir à merveille la descente aux enfers dans laquelle sombre le personnage principal. Ces qualités préfigurent de très belles façons les chefs-d’œuvre futurs de Polanski, notamment Rosemary’s Baby et Le Locataire.

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#7: IN THE MOUTH OF MADNESS (JOHN CARPENTER, ÉTATS-UNIS, 1995)

Parmi les sources d’inspiration de la littérature et du cinéma d’horreur, les nouvelles d’H.P. Lovecraft font figure de référence canonique. Pourtant, si beaucoup sans réclament, bien peu d’œuvres parviennent réellement à saisir cette impression de folie latente et de solitude irrémédiable mâtinée d’angoisse métaphysique qui est le propre des écrits de Lovecraft. In the Mouth of Madness, bien que n’étant pas une adaptation à proprement parler, est probablement celle qui s’en approche le plus. Sam Neil interprète avec intensité un enquêteur qui tente de retrouver Sutter Cane, un auteur de romans d’horreur à succès ayant disparu sans laisser de traces. Tout ce qu’on aime de Lovecraft y est, du brouillement entre le réel et l’imaginaire jusqu’au bestiaire de créatures difformes et assoiffées de sang. Un des plus grands chefs-d’œuvre de John Carpenter, qui signe aussi comme à son habitude l’excellente bande sonore.

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#6: BRAM STOKER’S DRACULA (FRANCIS FORD COPPOLA, ÉTATS-UNIS, 1992)

Troisième et dernier film de vampires de cette liste. Adapter le classique roman Dracula au début des années quatre-vingt-dix était déjà une tâche périlleuse vu la multitude d’adaptations précédentes (dont certaines sont de véritables films-cultes). Mais depuis que Coppola a imprimé sa marque écrasante sur le mythe, la chose relève carrément du suicide. Dans ce film total, pas un interprète qui ne soit absolument parfait, pas une musique qui ne soit un régal pour l’oreille, pas un élément de décor ou de costume qui ne soit à sa place, pas un éclairage qui ne concoure à renforcer une atmosphère où se mêlent continuellement le lugubre et le merveilleux. Il s’agit bel et bien ici de la version ultime de Dracula, pas seulement parce que c’est l’une des plus fidèles à l’intrigue du roman, pas seulement à cause de ses extraordinaires qualités plastiques, mais aussi parce que Coppola est véritablement parvenu à décupler le potentiel historique, artistique et émotionnel du mythe de Dracula par des ajouts à l’œuvre de Stoker. Bram Stoker’s Dracula mérite d’être encensé au même titre que les autres chefs-d’œuvre de Coppola comme The Godfather et Apocalypse now.

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#5: SUICIDE CLUB (SION SONO, JAPON, 2001)

Parmi les films d’horreur japonais qui ont essaimé à partir de la fin des années quatre-vingt-dix, Suicide Club est beaucoup moins souvent cité que des films à succès comme Ringu, Ju-on ou Dark Waters, lesquels ont tous donné lieu à des remakes américains plus ou moins valables. Est-ce en raison de sa thématique particulièrement controversée, soit une inexplicable épidémie de suicides de masse qui frappe la population japonaise, et particulièrement les jeunes? De ses nombreuses séquences-chocs qui marquent durablement l’esprit? De sa finale elliptique qui dévoile une résolution d’intrigue totalement inattendue et troublante? Si ces différentes raisons ont pu décourager Hollywood de tenter de l’américaniser, ce sont en revanche autant de raisons pour le cinéphile de (re)découvrir et de célébrer ce véritable bijou d’horreur nippone.

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#4: IT FOLLOWS (DAVID ROBERT MITCHELL, ÉTATS-UNIS, 2014)

On l’a souvent écrit sur ce blogue, les dernières années ont été particulièrement créatives pour le cinéma d’horreur américain, qui s’est complètement réinventé et a vu l’émergence de plusieurs nouveaux talents. Parmi les films qui ont inauguré ce nouvel âge d’or, It Follows apparaît clairement comme un des plus fascinants. Tant pour sa mise en scène extrêmement efficace que pour la philosophie désespérée qui sous-tend son scénario, il s’impose déjà comme un classique. Critique ici

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#3: THE TEXAS CHAINSAW MASSACRE (TOBE HOOPER, ÉTATS-UNIS, 1974)

Film-choc largement censuré lors de sa sortie, Texas Chainsaw Massacre est un véritablement monument de culture populaire, et pourtant, il ne s’agit pas d’une œuvre facile de prime abord : son image granuleuse, sa bande-son agressante, son travail de caméra à mi-chemin de la perfection et de l’amateurisme volontaire, le sadisme dégoulinant de son scénario en font tout sauf une partie de plaisir. C’est néanmoins exactement pour ces raisons-là qu’on aime voir et revoir cet extraordinaire classique de Tobe Hooper, un des génies maudits du cinéma américain. Le film a eu des suites et des remakes plus ou moins dignes de mention, mais les quatre-vingt-quatre minutes originales sont amplement suffisantes à elles seules pour introniser le personnage de Leatherface, armoire à glace masquée qui découpe (hors-champ) des ados fouineurs à la tronçonneuse, au panthéon des croquemitaines du 7ème art.

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#2: DON’T LOOK NOW (NICOLAS ROEG, ANGLETERRE/ITALIE, 1973)

Est-ce vraiment un film d’horreur? L’essentiel de Don’t Look Now ressemble davantage à un drame familial saupoudré de fantastique… jusqu’à sa terrifiante scène finale, qui nous permet de l’inclure sans remords dans cette liste. Avec cette adaptation d’une nouvelle de Daphne du Maurier, où un couple de Britanniques (Julie Christie et Donald Sutherland) déménagés à Venise tentent de faire le deuil du décès de leur fille, l’ancien directeur photo Nicolas Roeg donne toute la mesure de son talent, jouant sur la temporalité du montage et sur un sens aigu de la couleur et du cadre pour donner une charge émotionnelle incroyable à ce très, très grand film.

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#1: SUSPIRIA (DARIO ARGENTO, ITALIE, 1977)

Tremblez braves gens, Mater Suspirorum, la plus vieille des trois sorcières, est toujours assoiffée de meurtres! Ce chef-d’œuvre de Dario Argento écrase tous les autres films du maître italien (et pourtant, il y en a d’extraordinaires) de par l’époustouflante vitalité de sa mise en scène, de par l’excellence presque surnaturelle de sa direction photo et de sa bande sonore et de par l’efficacité de ses scènes de violence. Mais il ne faut pas y voir une malédiction lancée sur le reste de l’œuvre du maestro, il faut plutôt y voir la locomotive qui permet de tirer les autres films jusque dans le champ de vision des spectateurs apeurés. Voyez donc Suspiria, puis Profondo Rosso, puis Phenomena, puis OperaCritique ici