Fantasia 2020 – Laurin, de Robert Sigl

Fantasia, c’est aussi l’occasion de se replonger dans des classiques méconnus ou oubliés de l’histoire du cinéma de genre. Parmi ces perles du passé émergées par les programmateurs du festival, il y a Laurin, thriller horrifique germano-hongrois sorti initialement en 1988. Ayant rencontré peu d’échos à sa sortie, il connait ces dernières années une nouvelle vie dans les festivals grâce à une superbe restauration 4K.

Dans son scénario, le film emprunte beaucoup à l’univers du conte. Laurin est une préadolescente vivant dans un petit village d’Allemagne au tout début du XXème siècle. Son père marin est constamment parti au large et sa mère décède violemment dans des circonstances mystérieuses, de sorte qu’elle se retrouve seule avec sa grand-mère. Au même moment, au village, des enfants disparaissent sans laisser de traces.

Récit initiatique mettant en scène la perte de l’innocence (comme tout conte qui se respecte), Laurin joue à fond sur les sous-entendus sexuels et sur le thème du double: Laurin confond son père parti avec un autre homme et finira ultimement par se métamorphoser (symboliquement) en sa mère décédée. Le film baigne dans un onirisme vaporeux, se permettant parfois des débordements esthétiques proches des gialli de Mario Bava et Dario Argento, mais se cantonnant pour l’essentiel dans une froideur toute nordique, assez proche de certains films de Werner Herzog. Le personnage de Laurin est interprété avec énormément de subtilité par la jeune Dora Szinetar, qui passe d’un registre à un autre avec une surprenante aisance. Tantôt pleine d’entrain, tantôt presque catatonique, Laurin est à la fois l’héroïne d’un conte et la prisonnière d’un cauchemar. Plongée jusqu’au cou dans un univers oppressant aux contours incertains et aux règles chaotiques, elle incarne l’un des plus beaux exemples du passage de l’enfance à l’âge adulte que le cinéma ait offert.

Tant pour son atmosphère lourde et angoissante que pour ses nombreuses qualités plastiques, Laurin aurait mérité mieux que les limbes de l’oubli. Souhaitons que les cinéphiles se le réapproprieront et en feront un petit classique.