Fantasia 2018 – Under the Silver Lake, de David Robert Mitchell

Dire que le retour derrière la caméra de David Robert Mitchell était attendu serait un euphémisme: son précédent long-métrage It Follows a été l’un des films d’horreur les plus acclamés des dernières années, et, pour ajouter à l’impatience, son nouveau film Under the Silver Lake s’est vu offrir les honneurs d’une sélection officielle lors du dernier festival de Cannes. Malgré la pression sans doute importante, Mitchell ne semble toutefois pas avoir eu peur d’aller dans des directions insoupçonnées, ce qui est déjà la marque d’un véritable auteur.

 

Que raconte Under the Silver Lake? Rien. Comme Mulholland Drive, comme Blow-up ou comme les films de Fellini. Par « rien », nous n’entendons pas qu’il ne s’y passe rien, mais bien qu’il serait purement superflu d’identifier une trame narrative. Le scénario est fait d’errances et de rencontres. Les ressorts dramatiques comme les coquetteries de style n’y débouchent pas forcément sur une finalité quelconque, mais sont là pour ajouter à l’extraordinaire densité de l’ensemble. Dans cet univers surchargé de références culturelles diverses et de brûlantes femmes fatales qui rappellent le film noir de l’Hollywood classique, le personnage d’Andrew Garfield déambule sans trop savoir ce qu’il cherche, semblable en cela au David Hemmings de Blow-up ou au Marcello Mastroianni de La Dolce Vita, à savoir qu’il vit une quête de sens mais que celle-ci est perpétuellement déviée et interrompue par les multiples fruits tendus qu’il ne peut s’empêcher de croquer.

 

Entre cette œuvre-ci et le grand It Follows, y a-t-il des points de convergence? L’obsession du sexe, perçu comme un piège tendu et qui sert de métaphore à un univers menaçant et incompréhensible, n’est certes pas le moindre. Mais un des détails qui frappaient le plus dans It Follows et qu’on retrouve de nouveau, c’est l’intemporalité de l’univers présenté: ici, cela passe par l’image tout en couleurs pastels et par la direction artistique qui oscille entre rétro et futurisme, concourant à donner l’hallucinante impression qu’Under the Silver Lake se déroule à la fois hier et aujourd’hui.

 

Film paranoïaque, stimulant et foisonnant, Under the Silver Lake fait partie de ces œuvres dont on ne peut saisir tous les rouages au premier visionnement. On en sort déboussolé, mais avec la furieuse envie d’y replonger tête première. Ce n’est certes pas là qu’on attendait David Robert Mitchell, mais on le remercie de la surprise!