Fantasia 2018 – Cam, de Daniel Goldhaber

Ce qui fait l’intérêt du cinéma d’horreur, au risque de se répéter sur ce blogue, c’est sa capacité à cerner certains des aspects les plus noirs de l’âme humaine pour les peindre à l’écran, tantôt de façon métaphorique ou détournée, tantôt de façon plus littérale. Cam se situe dans la deuxième tendance, mais sans que cela empêche son scénario de faire preuve de finesse.

 

Dynamisée par une esthétique colorée à la limite du steampunk et par un montage nerveux mais maitrisé, l’intrigue narre l’histoire d’Alice, qui est « camgirl » sous le pseudonyme de Lola et qui est l’une des plus populaires de son classement. Dans le but de grimper toujours plus haut (et de gagner toujours plus d’argent), elle est prête à des prestations érotiques de plus en plus corsées. Sauf qu’un jour, un évènement inexplicable se produit: une autre Lola apparaît, clone parfait qui prend le contrôle de son compte et commence à diffuser des vidéos à sa place. Devant cette usurpation incompréhensible, Alice se retrouve amenée au bord de la folie.

 

L’élément déclencheur rappelle certaines nouvelles fantastiques du XIXème siècle, mais transférées dans un contexte moderne qui permet d’aborder une foule de thématiques actuelles: vol d’identité, dissolution des rapports sociaux à travers Internet, marchandisation du corps et de la sexualité, tromperie de l’image, narcissisme, paranoïa… Le portrait est particulièrement noir mais n’en est que plus percutant. Néanmoins, là où Cam révèle toute la force de son contenu, c’est en nous faisant saisir l’ambiguïté du personnage d’Alice/Lola quant à sa position sociale: est-elle une vedette ou une putain? Est-elle dominante ou dominée? Ses « prestations » lui amène de l’argent, des fans et de multiples cadeaux d’admirateurs, mais brisent ses liens avec sa famille et la mettent en péril. Cette ambiguïté est celle de la star qui use de ses charmes, et renvoie à toute une culture de la femme fatale au cinéma, culture parfois impitoyable pour les actrices: on pense au suicide de Marilyn, à Bardot qui arrête le cinéma (et le vilipende à chaque fois qu’elle en a l’occasion), mais aussi à quantité d’autres ascensions et déchéances. La finale du film, que nous ne révélerons pas ici, est un véritable tour de force, qui vient porter cette ambiguïté à son paroxysme.

 

Cam est un film brillant et maîtrisé, qui aligne des scènes souvent malaisantes et difficiles à supporter, mais qui font naître dans l’esprit du spectateur une foule de réflexions. Bref, une belle réussite.