Fantasia 2018 – Cold Skin, de Xavier Gens

Au début du XXème siècle, dans une atmosphère trouble, un homme s’installe sur une île de l’Antarctique pour étudier des phénomènes météorologiques. Sur l’île vit un autre individu, un marin solitaire et bourru en charge du phare. L’homme découvrira rapidement qu’à toutes les nuits, d’étranges créatures amphibies prennent l’île d’assaut. Lui et le marin devront unir leurs forces pour survivre dans cet environnement hostile.

 

Cold Skin était annoncé d’office comme un film lovecraftien. Il l’est certes par le récit (une confrontation entre des humains et des monstres débarqués d’un autre monde) et par les thématiques (solitude, paranoïa, dégénérescence), mais pas par l’idéologie qui les sous-tend. Raciste notoire et élitiste forcené, H.P. Lovecraft utilisait parfois ses récits horrifiques comme métaphores d’une civilisation anglo-saxonne assaillie de l’extérieur (et de l’intérieur, via l’immigration et la corruption des mœurs) qui devait lutter pour conserver sa suprématie. Cold Skin préfère brouiller les cartes quant aux limites entre bien et mal. Et si les véritables monstres étaient les humains, ceux qui débarquent loin de chez eux pour massacrer ce qui ne leur ressemble pas? La métaphore lovecraftienne change alors de sens: on pense spontanément aux massacres des Premières nations américaines, qui ont été le fait de colons anglo-saxons qui se croyaient menacés, comme les personnages du film.

 

L’idée de moderniser Lovecraft n’est certes pas mauvaise. Le problème ici, c’est qu’elle est amenée de façon maladroite. Les comportements des personnages évoluent de manière parfois incohérentes. L’histoire d’amour entre le personnage principal et une amphibienne frise le grotesque, voire le fantasme zoophile, et n’a pas manqué de déclencher des rires dans l’audience. Cela est dommage car les nombreuses qualités du film (réalisation dynamique, photographie somptueuse, effets visuels très réussis) s’en trouvent éclipsées.

 

Malgré quelques tentatives louables d’en restituer l’esprit sinon la lettre (notamment par Carpenter avec In the Mouth of Madness), il est triste de voir que Lovecraft attend toujours une adaptation digne de ce nom au cinéma. Est-il intouchable, intraduisible, ou est-ce que les changements de mentalité par rapport à son époque empêchent d’en capturer l’essence tragique? Quoi qu’il en soit, son ombre continue de peser lourdement sur le paysage horrifique, et Cold Skin, malgré de louables intentions, s’en ressent.