Critique: The Witch, de Robert Eggers

The Witch

Il est intéressant de constater que les phobies de l’époque coloniale en Nouvelle-Angleterre n’étaient pas nécessairement automatiquement surnaturelles. La religion ayant une forte présence dans les communautés puritaines, il y a quelque chose d’intrinsèquement surnaturel dans ces croyances en des forces invisibles qui régissent le monde. C’est lorsque ces forces sont maléfiques qu’elles doivent être craintes et elles ne s’attaquent généralement pas aux individus arbitrairement. Il faut avoir agi pour mériter des malheurs et les foudres divines/maléfiques.

The Witch nous transporte au 17e siècle, au cœur d’une réalité qui est loin d’être la nôtre et prend le temps de méticuleusement mettre en place l’atmosphère de l’époque. Il établit aussi très rapidement un climat d’horreur en n’attendant pas plus de 10-15 minutes avant de nous confirmer la présence d’une sorcière et à quel point elle est sans-pitié. Le kidnapping d’un nouveau-né, pour ensuite la voir moudre le bambin et s’en frotter les entrailles partout sur le corps, sert de mise en situation claire et efficace pour illustrer la présence du mal incarné dans les bois.

La balance entre les longs moments familiaux et les quelques aperçus de surnaturel est pratiquement impeccable. Les longueurs n’en sont pas vraiment, puisqu’elles servent à établir davantage l’ambiance picturale de l’époque. La vie des colons était ardue et monotone. Or, le film ne l’est jamais, et réussit à nous faire ressentir ce climat. C’est cette retenue qui permet à chaque moment fort de vraiment frapper son public et de se graver dans notre mémoire. La présence sur la ferme d’une énorme chèvre noire aux allures malfaisante aide aussi énormément.

La plus grande réussite du scénariste et metteur en scène Roger Eggers est la technique maitrisée avec énormément de confiance. Il n’essaie pas d’accomplir quoi que ce soit d’extravagant ou de subversif, il s’en tient aux bases et les exécute à merveille avec énormément de panache. Le scénario est principalement une légende du folklore (le sous-titre du film assume ce fait pleinement) qui joue sur les craintes puritaines de la sexualité, de la jeunesse et de l’impureté. Puisque nous passons tant de temps en compagnie de la famille (exilée pour leurs croyances trop extrêmes!), leurs réactions sont compréhensibles et concordent avec la réalité établie.

La paranoïa s’installe rapidement et, comme un plus lent The Thing, l’ennemi peut se reposer et regarder le spectacle, même si ce n’est pas nécessairement ce qu’elle fait. L’ambiance n’est pas aussi lourde d’anxiété que les plus récents films d’horreurs auxquels les critiques comparent The Witch (surtout en terme de qualité) à la It Follows ou Babadook qui ne laissent pratiquement pas une seconde de répit à leur audience. Les moments tranquilles permettent de souffler, de se préparer aux moments forts et surtout à la finale qui ne peut possiblement laisser qui que ce soit d’indifférent.

Avec ce ton assumé, on ne sent jamais que les moments « choquants » sont forcés, mais découlent plutôt naturellement de la dynamique établie. Nous apprenons à connaitre les personnages et la sorcière fait office d’une force de la nature qui vient remuer les tensions déjà existantes à la base. De plus, contrairement au cinéma d’horreur plus commercial, il n’y a pas de tentatives de sursauts ou d’intrigue stupide où les personnages s’investissent dans des recherches pour trouver un moyen de vaincre la créature. Le ciel leur tombe sur la tête et ils réagissent du mieux qu’ils peuvent avec les connaissances qu’ont des gens de l’époque : ils sont terrifiés, presque autant que les gens du public.