Retour sur – Independence Day (1996)

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Il y a de ces films qui font revivre des genres qu’on pensait éteints. Après les films de monstres japonais (kaiju), les films de dinosaures de Ray Harryhausen et la vague de films catastrophes des années 70 comme The Poseidon Adventure (1972) et The Towering Inferno (1974), très peu de réalisateurs avaient à nouveau tenté de mettre en scène la « destruction » démesurée sur grand écran. Il a fallu attendre le milieu des années 90 pour voir renaître, avec un certain succès, ce cinéma de l’apocalypse à échelle titanesque. L’émergence des technologies numériques y est pour quelque chose, mais beaucoup de films utilisaient encore, durant les années 90, des effets spéciaux dits pratiques (maquettes, animatroniques, pyrotechnie, etc.) pour réaliser la majeure partie des effets. Par exemple, Jurassic Park (1993) ne comprenait que 7 minutes d’images de synthèse.

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Comme un rempart, le film de Roland Emmerich se dressa devant une vague de films qui avaient soudainement recours à un nombre ahurissant d’effets visuels en images de synthèse (comme Jumanji [1995]), naviguant sur le succès de Jurassic Parc (mais n’est pas Spielberg qui veut). Or, Independence Day, un petit plaisir coupable des années 90, arrivait non seulement à prouver la pertinence et l’impact que peuvent encore avoir des effets spéciaux pratiques sur le réalisme spectaculaire, mais fit revivre du même coup le film catastrophe en relançant habilement le genre (comme le feront Gladiator [2000] pour le péplum quelques années plus tard, et X-Men [2000] pour le film de superhéros). Le nombre de maquettes et d’effets pyrotechniques utilisés dépasse largement celui des films de l’époque. Par exemple, l’embrasement de la ville quand les extra-terrestres attaquent est le résultat d’un patient travail de maquettistes et de pyrotechniciens, qui valut à l’équipe des effets spéciaux une reconnaissance bien méritée dans l’industrie (dont l’Oscar des meilleurs effets visuels).

Côté scénario rien d’original, c’est plutôt son émergence comme objet esthétique et cinématographique qu’il faut noter, avec le sourire en coin. Un objet qui, se prenant au sérieux, envoie pourtant le message inverse, rendant les intentions du réalisateur plutôt obscures. Le film d’Emmerich reprend avec aisance la trame classique du récit d’invasion extra-terrestre, s’inspirant de War of the Worlds (1954). Il développe « suffisamment » les personnages principaux et alimente judicieusement notre curiosité à l’aide de plusieurs scènes montrant l’arrivée des envahisseurs vers la Terre, montées en parallèle durant l’introduction. Comme le Titanic de Cameron qui sortit l’année suivante, la fin prévisible ne devrait pas vous empêcher de bouder votre plaisir. Toutefois, bien que le film d’Emmerich semble s’amuser avec une mise en scène plutôt légère et avec humour, on est loin du sous-texte proposé par Paul Verhoeven l’année suivante avec Starship Troopers. En effet, en examinant l’oeuvre d’Emmerich on s’aperçoit bien vite que l’autodérision ne semble pas faire partie de son registre stylistique (ce qui est d’autant plus drôle quand on pense à Kurt Russel qui s’inspire de la figure de Snake Plissken dans Stargate pour le rôle du colonel O’Neil, ou même au très sérieux drame historique The Patriot [2000]). Et pourtant, difficile de ne pas rire, perplexe, quand un essaim de chasseurs extra-terrestres sort du vaisseau mère, causant une brisure de ton assez radicale. Ou quand même Bill Pullman, en président et pilote de chasse(!), prononce son discours maintenant célèbre et servant à rallier les troupes. Difficile également de ne pas réagir à l’hégémonisme ambiant qui semble y régner, lorsqu’un soldat français (ou anglais) apprend par radio « qu’ENFIN » les Américains ont un plan pour détruire l’envahisseur… Une chance qu’on les a, ces Américains!

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Mais qu’à cela ne tienne. Il faut faire comme Jeff Goldblum, cigare à la bouche, et Will Smith tout sourire, ci-haut montrés. Suspendre sa crédulité l’instant du voyage, et apprécier le spectacle pour ce qu’il est: un honnête divertissement pop-corn qui n’a jamais prétendu être autre chose! Un fier représentant des années 90 qui apprivoise encore la logique de l’Internet (comment ont-ils bien pu faire pour implanter un virus informatique dans le vaisseau mère extra-terrestre? Est-ce important de le savoir?)! Comment le prochain opus, Resurgence qui sort en salle ce vendredi, se distinguera-t-il? On devra attendre à vendredi pour le savoir, mais rien n’indique par la bande-annonce qu’il deviendra le classique qu’est devenu son prédécesseur, qui se distinguait par un plaisir pleinement assumé. On peut s’attendre à la surenchère d’images de synthèse à laquelle les derniers blockbusters (des Marvels, et des autres) nous ont malheureusement habitués (ou endormis). On peut s’attendre au pire… Un film qui malheureusement reproduira les travers des autres films de sa génération.

https://www.youtube.com/watch?v=gjfJKvQMRfE