Critique – The Conjuring 2, de James Wan

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Lorsque son premier long-métrage, Saw, a connu un succès mondial en 2004, son réalisateur James Wan a eu la présence d’esprit de ne pas trop s’engluer dans la série de slasher movies qu’il venait de faire renaître: dès le deuxième opus, Saw 2, il passe aussitôt le flambeau de la réalisation à un autre (Darren Lynn Bousman en l’occurrence) et se consacre à d’autres projets. Ainsi, pendant que les Saw basculent vite dans la médiocrité, Wan explore un autre genre, soit le fantastique, et y bâtit rapidement sa petite mythologie. The Conjuring 2, suite du premier (aussi réalisé par Wan en 2013), s’inscrit dans ce sillage.

Quelques années après avoir exorcisé l’esprit de la sorcière qui tourmentait la famille Perron au Rhode Island (ce qui constituait l’intrigue du premier Conjuring), les parapsychologues Ed et Lorraine Warren songent à raccrocher leur ouija: une récente séance de spiritisme a été particulièrement éprouvante pour Lorraine, aussi les deux époux pensent-ils prendre leur retraite. Ils y renoncent toutefois lorsqu’une famille britannique leur lance un appel à l’aide: leur maison est hantée par l’esprit d’un vieil homme particulièrement agressif.

En quoi peut-on parler de « petite mythologie »? Parce que les récents films de Wan s’affairent à mettre en place un univers homogène et cohérent, tant sur le plan du fond que de la forme. On peut inclure dans cette mythologie la trilogie Insidious (2011-2013-2015), purement fictionnelle, et les deux Conjuring (2013-2016), inspirés de véritables cas de possessions rapportés par les Warren. Sur la forme, Wan développe une série d’obsessions picturales extrêmement précises, parmi lesquelles on note une récurrence d’amples mouvements de caméra qui abolissent les cloisons et unifient l’espace (en traversant les fenêtres, par exemple), une colorisation très travaillée (avec notamment une obsession marquée pour le rouge et le bleu) et une imagerie qui renvoie fréquemment à l’univers des peurs enfantines quasi ancestrales, avec ses spectres aux visages blêmes et ses créatures aux regards luisants. Sur le fond, on dénote une récurrence de plusieurs thématiques: l’idée que les morts habitent un monde parallèle au nôtre; l’idée de la famille comme cellule destinée à résister aux attaques venant de l’au-delà; et, surtout, l’idée du mal comme étant quelque chose d’intrinsèque à l’individu, qui ne se contente pas d’agir sur lui mais pénètre en lui et l’accompagne jusqu’à ce qu’on l’en chasse violemment. Conception particulièrement terrifiante du mal, qui se retrouvait d’ailleurs, sous une forme un peu différente, dans Saw: ce qui a fait de Jigsaw un personnage innovateur dans le genre du Slasher movie, c’est qu’il ne tuait pas directement ses victimes, mais les laissaient prendre elles-mêmes les mauvaises décisions qui causaient leur mort. Chez Wan, le mal, tout injuste qu’il soit, se cache en nous-mêmes.

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Tous ces éléments, The Conjuring 2 les porte à leur paroxysme. La mécanique y est impitoyablement bien huilée: le film déroule patiemment son intrigue, permettant au spectateur de ressentir une réelle affection pour les différents personnages, tout en ménageant à intervalles réguliers des moments de frayeur intense. On a donc droit à une alternance de temps forts et de temps calmes qui permettent à ce film plutôt long (2h14) de parvenir à sa conclusion sans jamais ennuyer son public. Il faut également souligner la qualité du jeu des acteurs, avec une mention spéciale pour la jeune Madison Wolfe, qui crève l’écran en jeune fille possédée. Les reproches qu’on peut faire au film sont rares: un rapport un peu trop naïf à la religion, quelques seconds rôles caricaturaux au possible. Ils nous permettent toutefois de comprendre pourquoi The Conjuring 2, malgré ses multiples qualités, n’est pas un grand film d’horreur: c’est qu’il ne s’élève jamais au-dessus du premier degré. Les grands films d’horreur sont souvent ceux qui signifient autre chose que ce qu’ils semblent signifier au premier abord. The Conjuring 2 est une belle mécanique, et rien d’autre.

Il y a donc deux manières d’aborder l’objet en présence (et les deux ne s’excluent pas), l’une est positive et l’autre est négative: on peut le voir comme l’œuvre d’un maître qui a trouvé sa recette et qui la reproduit avec brio et aisance, ou on peut le voir comme l’œuvre d’un cinéaste qui ne peut pas (ou ne veut pas) amener sa filmographie à un autre niveau. Au spectateur de juger laquelle des deux manières il préfère. Dans tous les cas, le divertissement est là.