Retour sur – E.T. The Extra-Terrestrial (1982)

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Probablement l’un des films les plus personnels de Spielberg, E.T.: The Extra-terrestrial est un conte moderne qui ne vieillit pas. Ses thèmes sont universaux: la fraternité, la fragilité et la solidité des liens familiaux et le passage à l’âge adulte. Or, il y a une ombre au tableau: la nouvelle mouture pour le 20th anniversary qui visait, en partie, à rajeunir le film pour une nouvelle génération. L’éditions spéciale de Star Wars avec de nouveaux effets visuels surent prouver l’efficacité esthétique du procédé, mais qu’en est-il de la pertinence narrative? L’effet marionnette de notre protagoniste fut atténué; on a remaquillé et même recréé numériquement certains mouvements du personnage. Les plus puristes d’entres nous regretterons probablement les choix d’ordre esthétique. Ce sont toutefois les modifications d’ordre éthique qui causeront le plus de sourcillements, comme, entre autres, celui de remplacer numériquement les fusils par des walky-talkies lors de la poursuite finale. Ici, la nostalgie d’une génération se heurte au discours politiquement correct qui règne actuellement en Amérique. Il faut avoir vu Airplane (1980) de Abrahams et Zucker pour comprendre comment les blagues sur les terroristes ne sont plus permises dans le cinéma américain d’aujourd’hui. Ainsi, dans E.T., on ne met plus de fusils entre les mains d’agents gouvernementaux poursuivant une bande d’adolescents. L’ajout d’une scène vient toutefois nous faire oublier ces écarts douteux: il s’agit de la scène dans la salle de bain, lors de laquelle Elliot compare sa grandeur avec celle d’E.T. devant le miroir. Adorable.

Plusieurs commentateurs on tendance à réduire E.T. à une simple fable évangélique. Disons, en effet, que la structure du scénario de Melissa Mathison ne ment pas (un être venu du ciel, qui prêche la tolérance et l’amour). Et pourtant, le film de Spielberg va bien au-delà du récit angélique en abordant des questions qui sont très pragmatiques. Il faut se rapporter au contexte économique de l’époque. En 1982, l’Amérique sort d’une récession et touche durement plusieurs familles (faillites et/ou des divorces). Elliot (Henry Thomas) est le cadet d’une famille de trois enfants, dont les parents sont divorcés. La mère (Dee Wallace) élève seule ses trois enfants, avec toute la fragililité d’une femme qui a peine à reconstruire sa vie amoureuse. Le père étant absent, E.T. est le substitue idéal auprès d’Elliot. En cette période de crise économique, il n’est donc pas étonnant que le public ait cédé aux charmes de cette petite créature rassurante et sans malice.

Spielberg affectionne particulièrement les récits mettant en scène des familles dysfonctionnelles. Ses précédents films Sugarland Express (1974) et Close Encounter of the Third Kind (1977) en sont des exemples éloquents. Disloqués du centre familial, les personnages spielbergiens finissent presque toujours par retrouver le chemin de la réunion et de la réconciliation, d’Indiana Jones and the Temple of Doom (1984) à Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull (2008), de The Color Purple (1985) à Munich (2005), de Hook (1991) à A.I. (2001). En ce sens, la famille est assurément le thème majeur et directeur dans l’oeuvre du cinéaste.

E.T.: The Extra-terrestrial marque également l’histoire du cinéma en proposant une image différente de l’extra-terrestre que celle dont nous avait habitué Hollywood jusqu’alors (voir entre autres: The Thing from another World (1951) et Invasion of the Body Snatchers (1956)). L’extra-terrestre n’est plus l’envahisseur ni celui qui sème la destruction. Même Close Encounter of the Third Kind (1977) entretient le doute jusqu’à la toute fin, mais E.T. a su rompre définitivement avec cette tradition paranoïaque qui alimentait le cinéma de science-fiction depuis les années 50. Spielberg reprend toutefois cette image belliqueuse de l’extra-terrestre dans son remake The War of the Worlds (2005), un film ouvertement post 9/11 dans le lequel l’Autre redevient une menace.

*Cette critique fut d’abord publiée en anglais dans la série World Directory of Cinema: American Hollywood Vol.1 (2001), dirigé par Lincoln Geraghty, Intellect Ltd.