Critique – The Magnificent Seven, d’Antoine Fuqua

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The Magnificent Seven, dernier film d’Antoine Fuqua (principalement connu pour Training Day, sorti en 2001), est tributaire de deux lignées. Premièrement, celle du  western, genre cinématographique presque aussi vieux que le cinéma lui-même, qui fut au fait de sa gloire des années trente jusqu’à la fin des années soixante. L’histoire du western se décline en plusieurs temps: d’abord, une période « classique », qui s’étire environ jusqu’aux années cinquante-soixante, et qui dépeint sous un jour particulièrement glorieux et optimiste l’épopée que fut le XIXème siècle américain et la colonisation de l’Ouest. John Ford et Howard Hawks furent les cinéastes les plus emblématiques du genre à ce moment. Ensuite, une période dite du « western crépusculaire », où subitement les artisans de ce cinéma commencent à douter de la justesse de cette vision magnifiée du cowboy américain. On y redécouvre la part d’ombre de ce lieu mythifié qu’est l’Ouest, en particulier sa violence et sa cupidité, mais sans pouvoir s’y défaire d’une indéniable nostalgie vis-à-vis d’une certaine innocence perdue. Sam Peckinpah est sans conteste le réalisateur le plus fascinant de cette période. Parallèlement au western crépusculaire apparait le « western-spaghetti » (nommé ainsi parce qu’il s’agit généralement de productions italiennes), sous-genre inauguré par Sergio Leone, l’un des plus grands génies du septième art. Ces films sont souvent marqués par un très grand maniérisme de la forme et par une irrévérence teintée de nihilisme du fond. En dépit d’un bon nombre d’œuvres marquantes et de films-cultes, le western tombe en désuétude à partir des années soixante-dix, pour disparaître presque complètement dans les années quatre-vingt-dix suite à un double chant du cygne constitué de Dances with Wolves (1990) et Unforgiven (1992). Ces dernières années toutefois, le genre paraît renaître de ses cendres. Quentin Tarantino y a consacré ses deux derniers opus. Même si ces deux films, tout comme celui de Fuqua, tiennent davantage de l’hommage cinéphilique que d’un réel renouveau des codes, il semble que le filon ne soit pas totalement épuisé.

Deuxièmement, Magnificent Seven est naturellement tributaire du film éponyme de John Sturges, sorti en 1960, dont il est un remake avoué. Sauf que la version Sturges est elle-même un remake du classique Les Sept Samouraïs (1954) d’Akira Kurosawa, film japonais situé au Moyen-âge où une troupe de samouraïs vient en aide à un village attaqué par une horde de voleurs. L’intrigue avait seulement été transposée dans l’Ouest, et les samouraïs remplacés par des cowboys. La version Fuqua opère toutefois un changement scénaristique intéressant: ici les villageois ne sont plus victimes de voleurs, mais bien d’un capitaliste véreux qui veut les expulser avec l’aide de sa milice personnelle. Ce changement apporte une petite touche de modernité par rapport au film de Sturges. Cela mis à part, Magnificent Seven suit assez fidèlement son modèle, et privilégie l’action pure et les scènes de gunfights à tout développement psychologique un peu poussé. On s’éloigne ici de Kurosawa, qui mettait un soin particulier à dépeindre les personnalités des sept personnages principaux. D’ailleurs, ce parti-pris de la version Sturges tient au fait qu’à l’époque, Les Sept Samouraïs avaient été distribués en version tronquée (2H30 plutôt que 3H30) dans les salles américaines, et qu’ainsi la plupart des protagonistes y voyaient leur présence amoindrie et leur rôle moins étoffé. On aurait pu souhaiter que Fuqua opère un retour aux sources en mettant davantage d’emphase sur la constitution des personnages et les liens qui les unissent, d’autant plus que le casting qu’il a n’égale pas celui de John Sturges. Denzel Washington est toujours aussi charismatique et Vincent D’Onofrio livre un savoureux rôle de composition, mais cela fait tout de même pâle figure comparé aux interprètes mythiques qui défilaient dans le film original: Steve McQueen, Eli Wallach, James Coburn, Charles Bronson… Une brochette d’icônes du western et du film d’action dont on peinerait à trouver un équivalent contemporain. Fuqua semble avoir voulu compenser en variant les origines ethniques de ses personnages (un Comanche, un Mexicain, un asiatique…), mais la vraisemblance du récit en souffre un peu.

Disons-le toutefois, il s’agit des seuls reproches qu’on peut faire au film de Fuqua. Malgré une première partie un peu expéditive, Magnificent Seven devient par la suite un divertissement extrêmement bien monté, alternant avec beaucoup d’aisance l’humour et la dureté. La caméra de Fuqua est à la fois dynamique et précise, et ses envolées trouvent un parfait contre-point dans la très belle partition musicale de James Horner. Magnificent Seven se regarde sans déplaisir, et même si la roue n’est pas réinventée, il faut admettre que la mécanique est impeccablement huilée. Il est permis de croire que le western n’a pas entièrement épuisé ses cartouches.