Critique – Blair Witch, d’Adam Wingard

blairw

Après la pluie, le beau temps, et après le film d’horreur à succès, la suite, le remake et/ou le prequel. Et en matière de film d’horreur à succès, The Blair Witch Project, long-métrage culte de 1999, est difficilement battable: à la base une toute petite œuvre indépendante pourvue d’un budget famélique de 25 000$, le film s’était avéré une véritable claque au visage pour les cinéphiles du monde entier, qui s’étaient rués dans les salles obscures pour assister aux déboires d’un trio de documentaristes qui s’égarent dans une forêt du Maryland en cherchant à réaliser un reportage sur une légende locale, la sorcière de Blair. Au final, The Blair Witch Project rapporta près de deux-cents-cinquante millions de dollars. Comme à son habitude, Hollywood chercha à en exploiter le filon: dès l’année suivante (2000), une suite nommée Book of Shadows prenait l’affiche, mais elle fut fortement décriée. Toutefois, comme pour tout bon méchant du cinéma d’horreur, il ne fallait pas déclarer la sorcière morte trop vite. Pour preuve nous arrive maintenant cette nouvelle suite, sobrement intitulée Blair Witch. L’intrigue est simple: James, le frère d’une des trois documentaristes du premier film, veut retrouver sa sœur disparue. Avec trois amis et deux habitants de la région, il s’enfonce donc dans les bois pour devenir à son tour la victime des machinations diaboliques de la sorcière.

Aussi bien l’écrire d’entrée de jeu, cette nouvelle mouture est un échec. Pourquoi? Parce qu’elle base l’essentiel de ses effets sur des tactiques déjà éprouvées dans le film original, à savoir celle du canular et celle du found-footage « à la première personne ». Or ce qui était novateur et impressionnant il y a une vingtaine d’années ne l’est plus forcément aujourd’hui. The Blair Witch Project avait dû une bonne part de son succès au fait que les touts premiers spectateurs étaient convaincus que le film était basé sur une histoire vraie, et qu’il avait été réalisé à partir d’images retrouvées dans une caméra abandonnée dans la forêt. D’ailleurs, Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, les deux coréalisateurs, avaient poussé la malice jusqu’à produire en parallèle un faux documentaire qui expliquait les origines de la légende et qui revenait sur la mystérieuse disparition des trois cinéastes, documentaire qui fut distribué en vidéo. Les cartes étaient donc brouillées, et le parfum d’angoisse sourde que dégageait le film à sa sortie en fut décuplée. Aujourd’hui toutefois, le canular est depuis longtemps éventé. Aussi, quand Blair Witch affiche dans son pré-générique que le film est réalisé à partir d’images trouvées, au mieux le spectateur sourit, au pire il est exaspéré devant un cliché maintenant usé jusqu’à la corde. Pour ce qui est du tournage « à la première personne », il est devenu un procédé beaucoup moins original qu’à l’époque du premier opus. De forts bons films d’horreur comme REC (2007) ou Cloverfield (2008), pour ne nommer que ceux-là, s’en sont servi. De plus, ce procédé, Blair Witch l’exploite particulièrement mal. L’intérêt d’un film tourné à la première personne vient du fait qu’il doit épouser le point de vue d’un personnage précis, qu’il doit composer avec les limites de l’uniponctualité, devenant du coup bien plus proche de notre perception humaine que le cinéma « classique ». L’idée d’une caméra présente in situ contribue au réalisme du film, mais se trouve considérablement affaiblie lorsque le nombre de caméras est multiplié: dans Blair Witch, chacun des personnages a sa petite caméra bien accrochée à lui, en plus d’avoir trimballé un drone offrant des vues aériennes. Les plans sont donc montés plus ou moins traditionnellement, et comme la réalisation cherche à compenser cette perte du réalisme par des flous, des recadrages et des zooms, les premières scènes du film en souffrent: on a seulement l’impression que Lisa (celle qui, au tout début, choisit de faire un documentaire sur James cherchant à retrouver sa sœur) est une bien mauvaise camerawoman.

Il y a donc fort à parier que Blair Witch ne passera pas à l’histoire, même pas comme nanar: en effet, le film reste malgré tout réalisé avec compétence et application, avec un travail efficace sur la texture de l’image et sur le son. Certaines scènes parviennent véritablement à susciter l’effroi, mettant à l’épreuve les sens du spectateur, et le jeu des interprètes est fort honnête. Malgré cela, au final, il reste que le film échoue totalement à renouveler la série et se contente de copier mollement le scénario et le look visuel de son modèle, en y ajoutant seulement davantage de moyens techniques. On peut se demander si cette fois, la sorcière s’en relèvera.