Critique de Warcraft, de Duncan Jones

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S’attaquant à l’univers de Warcraft, une série de jeux vidéo qui existe depuis une vingtaine d’années, Jones et son coscénariste Charles Leavitt se retrouvent avec la tâche ingrate d’introduire la mythologie fantastique d’un monde entier. Ce travail lourd est senti dans un scénario qui est constitué à 80% d’exposition. Il est d’autant plus ardu que cette mythologie est loin d’être particulièrement intéressante.

L’introduction qui sert à faire comprendre l’univers est sans pitié et risque de perdre plus d’un spectateur tant la surcharge d’informations est importante. Pendant trois années entières, j’ai passé beaucoup trop d’heures de ma vie sur World of Warcraft et j’avais à peine les repaires nécessaires pour suivre le film lors des 20 premières minutes. De plus, le scénario va survoler certains détails qui semblent cruciaux alors qu’il en sur-explique d’autres qui sont d’une simplicité enfantine.

Le scénario est divisé selon deux perspectives, les humains et les orcs qui débarquent d’une autre dimension. Le tout souffre d’un problème similaire à d’autres films du genre, comme  Dawn of the Planet of the Apes. On assume notre empathie envers les personnages humains et double les efforts pour humaniser les autres conçus uniquement en images de synthèse. Résultat : les humains sont ennuyeux à mourir et leurs dynamiques ne sont que des archétypes, tandis que les orcs sont, ironiquement, beaucoup plus humains et intéressants.

Le protagoniste humain, Lothar (Travis Fimmel), est étayé à travers certaines relations qui ne fonctionnent tout simplement pas : son fils (absolument vide) et Garona, une mi-orc/mi-humaine interprétée par Paula Patton qui lutte constamment avec des prothèses buccales. Du côté humain, rien ne prend vie comme il faudrait pour investir le public dans cette lutte. Le roi était légèrement plus intéressant que ses compères, mais cela est surtout dû au charisme de Dominic Cooper. La première moitié de l’intrigue des humains est passée à enquêter sur ce que nous savons déjà depuis les premières scènes des orcs (tant d’explications, peu de mystère, aucun intérêt).

De l’autre côté, ce sont les tribus orcs qui véhiculent les principaux thèmes du film. C’est à travers leurs difficultés que nous vivons des problèmes identifiables criants d’actualité (ils ont détruit leur monde en abusant d’une ressource, se retrouvent réfugiés dans un monde inconnu, etc.). À travers le film, nous apprenons à connaitre cette race honorable aux fortes traditions qui rendent unique cette peuplade mythologique. Quoi que physiquement différents, ce sont les personnalités des orcs qui sont plus difficiles à distinguer. Par contre, les conflits d’idéologies fonctionnent suffisamment pour suivre et susciter l’intérêt lorsque nous visitons leur camp.

On ne peut s’empêcher d’admirer l’ambition à l’écran. C’est malheureux, parce que Duncan Jones s’épuise sur ce projet depuis plusieurs années (regardez ses apparitions publiques, l’homme à l’air mort de fatigue). Malgré tout, voir un artiste aussi talentueux mener à terme cette entreprise colossale, surtout avec un certain degré de réussite, est impressionnant en soi. Il réussit à amener le certain degré de nuance thématique que l’on connait de ses précédentes oeuvres (Moon & Source Code), mais son humanité n’est ressentie que dans la moitié de ses personnages.

La finale ne ressemble pas tout à fait à ce que nous sommes habitués de voir dans ce genre  de production à gros budget. Nous avons, plus souvent qu’autrement, droit à une recette qui conclut l’intrigue où tout va bien pour tout le monde, mais ici on ne suggère pas de résolution magique facile. Maintenant que le gros du travail de mise en contexte est fait, les questions laissées en suspens au final m’intéressent légitimement! Surtout si le récit se permet d’aller dans les territoires plus étranges de cet univers (que nous avons à peine effleurés ici): amener les hommes-vaches hippies, les extraterrestres inter-dimensionnels et le service de métro entre la capitale des nains et des hommes!