Lesson of the Evil – Critique Fantasia

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Difficile de parler du dernier Miike sans faire fi du contexte social nord-américain, c’est-à-dire sans faire référence aux nombreuses tueries dans les écoles et autres endroits publics. Il s’agit d’un sujet sensible qu’il faut approcher ici avec une certaine délicatesse. Dans ce sens, la comparaison entre le film et les événements de la Polytechnique évoquée avec légèreté par Daniel lors de la présentation (le Daniel national du festival) était à mon sens inappropriée. Par contre, Miike semble également approcher son sujet avec autant de légèreté, revisitant l’esprit d’un type de films (slasher films) qui avait fait sa marque dans les années 90 et au début des années 2000 (Bodyguard Kiba, Full Metal Yakuza, Dead or Alive, mais plus particulièrement Ichi the Killer, Visitor Q et Audition). Or, l’intérêt de Lesson of the Evil, une adaptation du roman écrit par Yusuke Kishi, est qu’il se situe à mi-chemin entre l’étude de personnage et le film d’exploitation. Hasumi, interprété par Hideaki Ito (diaboliquement efficace), est un professeur d’anglais au passé trouble parcimonieusement révélé par des flashbacks. Charmant et aimé par ses élèves, il est dans les faits un psychopathe antisocial ayant tué ses parents alors qu’il n’était qu’adolescent. Il vit reclus dans une maison délabrée au fond d’un bois où il passe la majeure partie du temps à observer deux corbeaux qu’il nomme Huginn et Muninn, noms tirés de la mythologie nordique dans laquelle deux corbeaux parcourent le monde à la recherche d’informations pour le dieu Odin.

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Alors que la première partie du film se penche sur ses relations avec ses élèves, la partie la plus intéressante, son machiavélisme se manifeste peu à peu sans qu’on l’on sache trop pourquoi. On comprend rapidement toutefois que la source « maléfique » est alimentée par un certain passage à Harvard aux États-Unis, où il s’est lié d’amitié avec un Américain aussi dérangé que lui. La référence à l’Amérique n’est donc pas anodine et Miike pousse le parallèle lors du massacre final au rythme de la musique Mack the Knife. Hasumi, qui parle anglais de temps à autre dans un accent qui le rend incompréhensible(!), est visiblement influencé par la culture occidentale, et bien que Miike suggère esthétiquement que la source du mal vienne de l’extérieur du Japon – une interprétation qui vaudrait un texte plus long – les conflits de personnalités d’Hasumi semblent déjà forger son caractère profond. Le Japon ne serait-il pas, dans ce sens, un peu schizophrène, bigarré entre les extrêmes : d’un côté la bienséance et la retenue ; de l’autre, les excès et les perversions ? Vers la fin, les malaises son palpables, d’autant plus que les évenements se déroulent dans une école. La moralité d’Hasumi est tordue, et il élimine ses étudiants un à un, sans détour et de manière abrupte, tout en déployant un joyeux et malin sadisme. La réalisation de Miike est maîtrisée (tout le contraire de Rurouni Kenshin vu la veille, au récit décousu et aux personnages aussi ténus qu’un papier mouchoir), les effets de style sont absents laissant la place à Hideaki Ito, qui prend visiblement plaisir à jouer le troublé Hasumi. Si vous avez aussi aimez Suicide Club de Sion Sono et Battle Royale de Kinji Fukasaku, où l’éthique et la morale sont mis au rancart, ou si vous avez aimé les premiers slasher films de Miike, vous saurez apprécier Lesson of the Evil.