Evangelion 3.0, You Can (Not) Redo – Critique Fantasia

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Neon Genesis Evangelion (1995-96) du créateur d’Anno Hideaki est culte au Japon et connu de tous les fans d’anime dans le monde. Or, depuis ses débuts le récit connut quelques altérations narratives, en partie justement à cause des fans au Japon qui ont su, par leurs actions et critiques virulentes, influencer les producteurs pour changer la finale. En effet, dans les deux derniers épisodes (25 et 26) plutôt énigmatiques et narrativement déconnectés, les personnages de Shinji, de Rei et d’Asuka, deviennent les sujets d’un exercice de style psychanalytique et introspectif. Les fans sont habitués aux récits alambiqués d’Anno, mais avec ces deux derniers épisodes c’est le comble. Afin de répondre aux critiques des fans (parce qu’au Japon le fan est roi!), Hideaki réalise deux films : Death and Rebirth (1997), constitué essentiellement d’éléments récupérés de la série; puis The End of Evangelion (1997), comprenant beaucoup plus de nouveaux matériels, et beaucoup moins ambigus, permettant une résolution narrative plus satisfaisante pour les fans.

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Or, la quadralogie cinématographique Rebuild of Evangelion, dont les trois premiers opus ont tous été présentés à Fantasia (2009-10-13), nous propose rien de moins qu’un reboot. Le premier, You are (Not) Alone, reprend dans l’ensemble la trame de la série en mettant en scène les troubles relationnels entre Shinji et son père. Le deuxième, You Can (Not) Advance, introduit un nouveau personnage, Mari, et commence à apporter des changements majeurs à l’histoire. Par exemple, ce n’est plus Toji qui est écrasé dans le pod par l’unité EVA-01, mais Asuka. Avec le troisième opus, You Can (Not) Redo… et bien oubliez tout ce que vous connaissez de la série. Vous n’y retrouverez pas vos personnages favoris dans les contextes souvent candides que nous avait habitué l’histoire originale. Vous ne retrouverez pas Misato et Kozo prendre un verre au bar, ni Shinji et Asuka s’obstiner sous la musique légèrement pseudo-country. Maintenant, l’heure est grave. Et depuis le premier volet (1.0) la question de ce qui est canon dans l’univers d’Evangelion se pose. Anno ne fait pas appel à un « narrative device » tel qu’utilisé dans les Star Trek de J.J. Abrams pour remettre le compteur à zéro, et cela, tout en préservant le matériel source. C’est assumé et volontaire, c’est ce qu’on appelle en anglais un « reimaging and retelling ».

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Difficile alors de critiquer ce troisième volet sans nuire à votre expérience, celle de redécouvrir Evangelion sous un autre jour. Je vous dirais néanmoins que cet opus « semble suggérer » qu’il reprend là où la série originale et les films de 1997 se terminent. L’introduction se déroule à un rythme haletant, Asuka et Mari pilotent leurs EVAs respectifs et se battent contre un angel… dans l’espace! La bataille, comme toutes celles qui suivront dans le film, prend des proportions bibliques. Les angels prennent des formes de plus en plus obscures et les lieux où se déroulent les batailles nous donnent l’impression que le temps est suspendu. À son réveil, Shinji est un étranger parmi les siens, et il se pose un million de questions : ai-je sauvé Ayanami? Où est-elle? – en se référant aux événements qui ont conclu le volet 2.0. Où suis-je? Que s’est-il passé? Etc. Je n’oserais dire que le parcours de Shinji ressemble à un chemin de croix, mais voilà, l’analogie est sortie. Il y a également quelques nouveaux personnages. Des factions se sont créées, si bien qu’on ne sait plus maintenant quel clan détient la légitimité morale. À travers les regards hostiles que lui renvoie son entourage, Shinji doit faire face aux conséquences de ses actions passées. L’esprit mystique et judéo-chrétien de la série originale est aussi préservé. Toutefois, puisque le récit fait davantage de clins d’œil aux fans de la première heure, le néophyte risque d’avoir la désagréable impression d’en manquer quelques bouts.

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Les Japonais excellent dans l’excès (la filmographie de Takashi Miike en est un bon exemple), et c’est là qu’Evangelion réussit à épater malgré tout, particulièrement lors des combats entre les EVAs, dépeints par un montage frénétique, et les très longs plans de paysages en désolation et de ruines rougeâtres. Le deuxième tiers est par contre plutôt lent. Shinji jauge sa nouvelle réalité et sa nouvelle amitié avec Kawori qui, comme dans la série – et dans beaucoup d’anime,  flirte avec l’homoérotisme. Malgré cette longueur, les questions de Shinji sont trop nombreuses pour freiner la curiosité du spectateur averti, et Anno prend le soin de répondre parcimonieusement aux interrogations le moment opportun. Par contre, le fan Occidental qui avait été charmé par la série originale se sentira probablement largué par le film, tant le mystère y est dense, et l’atmosphère beaucoup plus glauque. N’empêche que si vous êtes un « vrai fan » d’Evangelion, ne gâchez pas votre plaisir, attendez la sortie DVD de You Can (Not) Redo et un conseil : écoutez les deux premiers volets juste avant.

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