FANTASIA 2019 – HUMAN LOST, de Fuminori Kizaki

Adapté très librement du roman célèbre d’Osamu Dazai, No Longer Human qui fut écrit dans la foulée de l’Après-guerre dans un climat d’incertitude sociale et politique, le film de Fuminori Kizaki fait le pari d’inscrire son récit dans un futur pas si lointain en respectant dans l’ensemble le genre cyberpunk. Ainsi, on n’échappe pas aux tropes propres à ce genre, non seulement cela, on les empile pour en faire un genre narrativement hybride. Ainsi, LOST HUMAN débute comme un film cyberpunk, où, par exemple, un personnage est immergé virtuellement dans une interface graphique 3D, à partir d’une salle de contrôle, à la recherche d’un suspect (on pense à Ghost In the Shell entre autres). Puis, dès la première scène, le récit prend un virage rapide et inattendu. Une troupe d’élite spécialisée doit éliminer un humain de type « lost » qui se métamorphose en créature monstrueuse et meurtrière, armée de tentacules acérées (oui, on pense à Makaku dans Gunnm, ou Grewishka dans l’adaptation américaine) et qui se transforme spectaculairement pour avaler – oui – ses adversaires (scènes particulièrement impressionnantes). Les humains qui deviennent « lost » sont ceux qui se déconnectent, involontairement ou volontairement à l’aide d’une drogue, du réseau médical en ligne. De ce fait, à l’instar de ce phénomène qui métamorphose littéralement les « lost humans » en créatures, et cela, avec un minimum d’explications, c’est aussi le récit qui ajoute une couche grotesque et de fantastique à sa trame. Puis, sans crier gare, l’histoire vire au mélodrame animé de questions philosophiques et existentielles. A travers les scènes gores et d’action visuellement très maîtrisées, les moments mélodramatiques pourraient détoner, mais ce serait mal comprendre les personnages torturés typiquement nippons! Et surtout l’aura pessimiste berçant l’œuvre originale de Dazai, écrite après la Deuxième guerre mais pourtant encore très actuel. Sans parler d’une finale qui « flirte » avec le genre kaiju. Ces créatures plus grandes que nature restent une fascination pour les Japonais. L’Histoire nous enseigne pourquoi…

Youzou est un artiste dépressif et suicidaire. Malheureusement pour lui, les avancées médicales permettent à tous et toutes d’atteindre l’âge minimale de 120 ans grâce à la nanotechnologie qui peut, entre autres, réactiver un corps décédé et guérir les maladies. Désespéré de ne pas pouvoir mettre fin à ses jours, il joint alors la cause de son meilleur ami, Takeichi, et sa bande de motards cyborgs, qui planifie l’invasion de la zone « Inside » où les privilégiés mènent une vie paisible dans un dôme, loin des moins nantis. Cette opération est toutefois orchestrée en arrière plan par Horiki, le dernier médecin encore vivant, qui veut mettre un terme au règne du système S.H.E.L.L. entretenu par les plus riches. Ce système permettrait la réimplantation d’organes plus jeunes afin d’atteindre l’âge des 180 ans… En plus des quelques élus qu’on appelle les « Applicants », ce que serait notre personnage principal Youzou – qui devient en quelque sorte « l’élu » de ce récit – et vous avez une histoire plutôt alambiquée qui semble maîtrisée, mais difficile à suivre.

Ne pas comprendre tous les rouages de cet univers en apparence complexe, donne l’impression que HUMAN LOST avait beaucoup plus de choses à dire que le temps accordé par la forme du long métrage. Récit sombre et pessimiste, les thèmes gravitant autour de la civilisation et de ses difficultés à maintenir la cohérence du groupe et de ses individus, ainsi que le désespoir ambiant qui règnait après la Deuxième Guerre, se traduisent bien du roman à l’écran. Le film est animé grâce à la technologie du « celshading », mais rappelons que la technique est utilisée dès 2002 dans le jeu vidéo Jet Set Radio, puis en 2004 avec le long métrage d’animation Appleseed réalisé par le vétéran Shinji Aramaki. Il est bon de se rappeler de ces premiers essais, car la technique n’a pas beaucoup évoluée depuis, et est devenue le standard dans l’industrie de l’anime avec plus ou moins de succès (voir les dernières productions Netflix comme Godzilla et 009 Cyborg). Enfin, la trame de HUMAN LOST ressemble beaucoup au manga Appleseed créé par Masamune Shirow et publié de 1985 à 89 par Kodansha. On remarque donc qu’à l’exception de Ghost in the Shell, la trame du récit cyberpunk est sensiblement la même d’une histoire à l’autre (voir Gunnm de Yukito Kishiro par exemple, avec les mieux nantis vivant dans une cité suspendue, Zalem). HUMAN LOST reçu une mention spéciale à Fantasia, très certainement pour avoir gardé l’esprit du roman sans compromis, mais aussi pour sa maîtrise de l’animation et des scènes d’action très réussies. Contrairement à l’autre anime cyberpunk THE RELATIVE WORLDS, aussi présenté à Fantasia, qui mêle shojo et shonen dans une esthétique narrative et visuelle déjà vue, HUMAN LOST pourrait vous séduire par son refus d’embellir la réalité actuelle…