FNC 2018 – Ville Neuve, de Félix Dufour-Laperrière

Depuis un certain nombre d’années, le cinéma d’auteur québécois passe pour un cinéma de dépressifs, certains critiques ayant même accolé l’étiquette de « réalisme suicidaire » à un certain nombre d’œuvres parues dans la dernière décennie, et qui inclut des films de Stéphane Lafleur, de Denis Côté, de Rafaël Ouellet et de quelques autres. Si des recherches auraient démontré que les Québécois formeraient un des peuples les heureux de la planète, force est d’admettre que cela ne se reflète guère dans notre cinéma. D’une certaine manière, on pourrait dire que Ville Neuve s’inscrit dans ce courant, excepté qu’il a au moins le mérite de mettre le doigt sur l’angoisse identitaire québécoise en situant son récit en même temps que le référendum de 95.

 

Le personnage principal est un écrivain alcoolique et déprimé qui se réfugie dans une maison qu’un ami lui a prêté en Gaspésie pour panser ses plaies. Son ex-femme vient l’y rejoindre et ensemble ils tentent de réparer les pots cassés. L’écrivain tente également, par téléphone, de renouer contact avec leur fils, qui ne lui parle plus depuis des années et qui le méprise. Au même moment, la campagne référendaire fait rage, mais les personnages, trop cyniques, peinent à s’y intéresser réellement.

 

L’animation de Ville Neuve est superbe, à la fois épurée, fluide et d’une très grande force poétique. En revanche, sur le plan strictement narratif, on peut se demander si un énième protagoniste de looser incapable, mauvais mari et père indigne, aide réellement à revigorer notre cinéma national et à le sortir de sa déprime. La finale en forme d’uchronie et la très belle métaphore avec le Andreï Roublev de Tarkovski viennent partiellement racheter cet aspect, mais demeurent insuffisants. Le cinéma québécois continue d’avoir beaucoup de mal à mettre de l’avant des personnages inspirants et des situations enlevantes. Pour un petit peuple qui se prend de plein fouet les défis liés à la mondialisation, à la post-modernité et à une époque en plein bouleversement de valeurs, cela fait davantage partie du problème que de la solution.