Critique télé: Westworld – S01E03 : The Stray

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Sans être aussi substantiel au niveau de l’intrigue, The Stray n’était pas pour autant décevant avec les idées qu’il approfondit. Malgré les mystères parsemés un peu partout à travers la série, chaque nouvel épisode nous donne assez de viande thématique pour pouvoir ruminer jusqu’à la semaine prochaine. Les diverses intrigues sont cette semaine sorties de la ville (l’endroit le plus sécuritaire s’est-on fait dire) pour toutes se conclurent avec de gros points d’interrogation qui seront, on l’espère, résolus la semaine prochaine.

Le scénario de l’épisode s’intéresse cette semaine au rapport aux souvenirs et à la place qu’ils ont dans l’évolution de la conscience. Comme des réflexes musculaires, les hôtes n’ont appris qu’une chose et le répètent à l’infini, sans avoir la perspective que leur offre la notion du temps qui passe. Ils n’ont ni passé ni futur concret puisqu’ils sont respectivement inventés de toutes pièces et inexistants. Il suffit d’un simple transfert pour que le passé de Teddy soit absolu et redéfinisse ses actions.

Depuis le début de la série, on parle du subconscient où se cachent les vies antérieures et c’est l’accès à ces secrets qui risque de libérer finalement les hôtes (que notre cerveau empathique de spectateur perçoit comme des prisonniers). On mentionne spécifiquement cette semaine que le « backstory » des androïdes, « it’s their cornerstone, it’s what anchors the host ». Cet attachement à un élément marquant précis évoque le Leonard de Guy Pearce dans Memento, qui n’a aucune mémoire à court terme et vit dans une boucle – de sa propre création dans son cas – ancrée dans un traumatisme précis. Sans un passé (qu’il a lui-même trafiqué) pour le pousser de l’avant, il n’a rien pour le guider et préfère vivre un mensonge plutôt que faire face à la réalité. Leonard est à la fois l’ingénieur, l’hôte et l’invité de son propre parc.

Les humains étant aussi définis par leurs passés, ceux des deux chefs ingénieurs nous en apprennent gros sur qui ils sont aujourd’hui. Ford mentionne à Bernard spécifiquement de ne pas répéter les erreurs de son ancien collègue, qui voyait un peu trop d’humanité en leurs constructions mécaniques. Malheureusement, Bernard utilise par la suite les leçons qu’il a apprises en tant que parent pour prendre une décision cruciale quant à ce qu’il fait avec Dolores. Même si la douleur du décès de son fils le connecte à cette réalité, la projection naturelle du cerveau humain fait qu’il voit en Dolores un substitue avec lequel il peut recréer cette relation perdue. Même avec l’avertissement de son patron, il choisit de prendre une direction qu’il risque de regretter. Comme le couple dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry qui sait que leur relation est destinée à l’échec, mais décide quand même futilement de répéter les mêmes erreurs puisque des souvenirs clés ont été effacés. Les deux œuvres de fiction argumentent qu’ils sont une part essentielle du cycle de notre évolution, autant en tant que race avec notre Histoire, qu’en tant qu’individus.

On parle de l’évolution comme une accumulation d’erreurs, un schème que l’on découvre en rétrospective dans le chaos de la génétique suite à des changements d’environnement. Sauf qu’ici les androïdes ne peuvent pas voir le cycle, ainsi il semble futile de la part de Bernard de vouloir voir jusqu’où Dolores peut aller sans lui permettre de sortir de son cycle assigné. Heureusement, une voix qui lui parle (ainsi qu’à plusieurs autres hôtes défectueux) lui permet de briser sa routine – de violence et d’agression – et finir sa journée en dehors de son chemin prédéterminé.

Les interactions entre Ford et Bernard offrent souvent de gros indices sur ce qu’il est pertinent de retenir à travers tout ce que l’épisode a à offrir et cette semaine n’était pas différente. La « bicameral mind », une véritable théorie, nous offre une piste sur ce qu’implique la « voix » avec laquelle discutent certains hôtes. Au niveau concret, elle peut être un individu caché dans les ombres qui leur chuchote ce qu’ils doivent faire, mais au niveau symbolique, elle agit comme éveil de conscience, confondu avec un Dieu. Ces êtres qui agissent machinalement (littéralement) ne sont pas habitués d’entendre quelque chose entre leurs deux oreilles leur adresser la parole et assument donc une divinité. Dans ce cas-ci, la divinité en question serait les humains. Westworld utilise la relation humain-robot comme métaphore multi-usage pour plusieurs dynamiques réelles, que ce soit parent-enfant, humain-divinité, personnage-auteur ou personnage-spectateur.

Ultimement, j’ai l’impression que la clé de la série entière a été offerte par une hôte du parc à William la semaine dernière. Lorsqu’il demande si elle est vraie, elle lui répond simplement « if you can’t tell the difference, does it matter? » Que ce soit par rapport au corps, aux souvenirs, à la réalité qui les entoure ou à une œuvre de fiction, on s’intéresse à ce qui affecte nos actions et notre psyché. Même s’il n’y a rien dans Westworld qui est « vrai », notre stress en tant que spectateur lorsqu’un hôte est hors contrôle ne l’est pas moins, notre affection ou notre haine pour certains personnages n’est pas fictive et notre intérêt envers cet univers est bien réel.

Prédiction :

Olivier : Westworld est à la fois une série sur l’éveil de la conscience de soi ET une observation sur notre rapport aux histoires. Donc, la conclusion logique serait que, tandis que les hôtes réalisent qu’ils sont des machines faites pour le divertissement des invités, les ingénieurs et gestionnaires du parc prennent conscience que leur dimension n’est qu’une série-télé dans laquelle ils sont des personnages pour divertir des êtres d’une autre dimension (comme dans cet autre récit sur notre relation à la religion : Sausage Party*).

*Oui oui.