Stranger Things, un tour de magie manqué

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Je dois être honnête, l’immense succès populaire de cette série reste encore un mystère pour moi. Certes, Stranger Things récupère de manière très adroite l’imagerie, l’esprit musical, et braconne allègrement les icônes de nombreux films et productions culturelles des années 70 et 80, saupoudrés dans le scénario de manière à nous tenir réveillés… Enfin, réveillés au rythme de Corey Hart, The Clash, Jefferson Airplane, Reagan Youth, The Bangles, de la musique électronique aux airs de Giorgio Moroder composée par Kyle Dixon and Michael Stein du groupe Survive; réveillés à la vue d’une affiche de The Thing par ici, plusieurs scènes qui rappellent E.T. par là; réveillés par les références à la littérature populaire de Lewis Carroll en passant par Stephen King, réveillés par les nombreuses références populaires dans les dialogues stratégiquement disséminées pour nous garder alertes. Dans ce sens, c’est le comble du geek, fan et cinéphile, qui aiment le jeu de piste citationnel (plusieurs se sont amusés à les répertorier, même si les comparaisons sont parfois tirées par les cheveux). Bref, l’emballage est soigneusement conçu pour entretenir la fibre du spectateur nostalgique de l’ère VHS. Les réalisateurs, les frères Duffer, le savent bien et jouent la carte à fond sans gênes. Or, il semble qu’on ait oublié de nous raconter une histoire engageante émotionnellement. Soit, on est toujours curieux, sous tension, mais jamais engagé dans la quête des personnages, et sans tout à fait comprendre les enjeux. C’est-à-dire que, mis à part de retrouver Will, les implications d’une telle démarche bien qu’évidente pour la mère sont en même temps curieusement floues. Qu’arrive-t-il si on ne retrouve pas Will? Le village est-il est danger? Etc.

D’un autre côté, je comprends bien le succès qu’obtient la proposition des frères Duffer, car effectivement l’emballage est particulièrement réussi, l’atmosphère est immersive (soyons honnête, la musique y joue un grand rôle!) et la trame principale est claire et directe. Les premières scènes inscrivent bien l’enjeu central qui nous tiendra en haleine jusqu’à la fin, comme pour un bon téléroman qui repousse plus ou moins habilement les révélations. La série commence et le jeune Will disparaît littéralement, alors qu’il est poursuivi par un monstre qu’on ne voit pas. Tout le monde veut le retrouver, incluant ses meilleurs amis, Mike, Lucas et Dustin. En plus de l’emballage soigné, les jeunes acteurs sont tous excellents, notamment Millie Brown dans le rôle de la jeune El (mais diable! La mère ne descend jamais au sous-sol? Ah oui! E.T.). On ne peut en dire autant des camarades de classes jouant les rôles d’antagonistes, qui sont d’un ridicule absolu, risible et caricatural. L’autre déception est Winona Ryder en mère hystérique, les épaules arquées surjouant la femme incomprise et instable, qui finit par tomber sur les nerfs. Ses crises n’ajoutant rien, et ne servant pas le récit. Le spectateur est maintenu dans l’ambiguïté quant à son état durant les premiers épisodes. Est-elle folle ou non? Malgré que l’on sait, le personnage qui se fait passer pour fou à toujours ou souvent raison, on ressent rarement de l’empathie sincère à son égard.

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Aussi, quels sont les personnages principaux? Le seul personnage dont l’arc se complète d’un point de vue émotionnel est celui de Hopper, le shérif, qui est le personnage adulte le plus intéressant. Son histoire à lui a du sens dramatiquement, puisque son sentiment de complétude se voit justifié en conclusion (par une forme de closure). En bout de ligne, on regrette que la série ne se soit pas concentrée davantage sur les jeunes et leurs interactions, le point fort de la série. Autrement, le scénario est bêtement prévisible, voyant venir l’issue des scènes plusieurs secondes à l’avance, sans jamais surprendre par l’audace de la mise en scène ou par une réalisation inventive. La photographie et les choix de cadrage sont sans personnalité et la conclusion laisse encore trop de questions sans réponses. Normal, ça sent la saison deux. Laisser des questions en suspens fait partie du jeu, mais autant? Ça ressemble à un scénario bâclé.

Il ne s’agit pas d’un jugement de goût, d’aimer ou de ne pas aimer la série dans son entièreté. Peu importe l’angle que vous décidez d’emprunter pour apprécier l’objet devant vous, la réalité reste la même. En attirant votre regard sur une partie de l’objet, plus belle, les frères Duffer camoufle une autre partie pas mal moins belle: son scénario sans surprise qui défie souvent la logique 101 des interactions humaines. Alors comme le magicien qui dirige bien votre regard, si vous suivez bien ses directives à la lettre le truc de magie sera soit amusant et divertissant, ou soit purement tragique! Ou un peu des deux.

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