Critique télé: Westworld – S01E01 : The Original

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Edge of Tommorrow utilisait le voyage dans le temps pour amener au grand écran la nature répétitive du jeu-vidéo aux essais infinis qui permettent d’observer l’environnement, apprendre de ses erreurs et s’améliorer au point de pouvoir vaincre son ennemi. Le pilote de Westworld, intitulé « The Original », réutilise cette boucle narrative et ses motifs pour ici éduquer son public, au lieu de ses personnages humains. Ce premier épisode très prometteur établi avec une grande efficacité un univers, des personnages et surtout les thèmes qu’il compte explorer.

Dans un futur indéterminé, un parc d’attraction coûteux promet aux gens une expérience immersive dans le quotidien du far-west. Ainsi, si l’on est assez riche, il est possible d’être cowboy-d’un-jour dans un environnement contrôlé, exempt de conséquences. Le choix du western, la frontière, n’est pas innocent : assez « contemporain » pour être proche de notre réalité  tout en étant assez distant pour que les principes moraux soient encore très élastiques. En réalité, toute cette technologie est au service de gens qui veulent s’abandonner à leurs pulsions primales de meurtre et de baise.

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La sexualité et la violence gratuite coulent à flot, mais sont ici utilisés au service d’un commentaire sur la relation entre le conteur et son public (surtout considérant que nous parlons de HBO). On peut ressentir une certaine frustration de la part des conteurs qui passent énormément de temps à développer des personnages complexes, des relations amoureuses, des dialogues excitants, des univers riches pour un public qui se satisfait de têtes qui explosent et de seins à l’air. Il y a ainsi toute une lecture méta sur les univers narratifs immersifs (que ce soit une télé-série de HBO ou un jeu-vidéo), qui rappelle inévitablement l’analyse populaire du Inception de Christopher Nolan, le frère du créateur de la série, Jonathan Nolan.

L’intrigue de l’épisode offre aux humains qui ont construit le parc autant de temps d’antenne qu’aux « individus » qui ont été conçus pour l’habiter. En fait, les « habitants » du parc nous introduisent à l’univers, avant même qu’il soit clair qu’ils sont artificiels, forgeant notre perspective sur le rapport créateur/créature avec une empathie envers les machines. La lutte à venir sera ainsi présentée du point de vue des deux camps, un choix judicieux.

L’esthétique de science-fiction s’inscrit sans faute dans notre cinéma post-Apple, ou le style et la miniaturisation remplace les innombrables câblages des années 80-90 (Ex Machina serait l’élément de comparaison le plus récent). Le générique hypnotisant aux images léchées amène une ambiance chargée et tendue qui s’étend tout le long de l’épisode, jusqu’au dernier plan rempli de menace. Personne n’essaie de nous faire croire que les « habitants » du parc ne vont pas se rebeller et l’atmosphère le reflète bien, dissimulant dans chaque scène des éléments perturbateurs qui empêchent d’être pleinement à l’aise. Dès ce premier épisode, les images importantes sont mises en places avec des éléments récurrents qui sont autant des indices que des motifs thématiques (la mouche, le lait).

Interprétés par un lot d’acteurs de haut calibre (Evan Rachel Wood se démarque), les personnages sont déjà distincts et mis en place avec grande efficacité. Avec des thèmes qui couvrent autant des classiques de la science-fiction (des scientifiques qui vont trop loin, l’intelligence artificielle) que des concepts modernes (réflexion sur les narrations immersives), les codes du western, de la science-fiction et, en prime, la voix envoûtante de Jeffrey Wright, la série place la barre haute pour les 9 épisodes à venir.