Fantasia 2015: Sea Fog (Haemoo) – critique

imageUn film qui s’annonçait pourtant aussi intense sur le plan dramatique que Han Gong-ju (2013) et Silenced (2011), présentés à Fantasia les années passées, mais qui déçoit au final à cause principalement de personnages peu fouillés. Le réalisateur et coscénariste Shim Sung-bo (scénariste de Memories of Murder) arrive toutefois à tirer une histoire prenante inspirée d’un fait vécu. Pour une première œuvre produite et coscénarisée par Bong Joon-ho (réalisateur des excellents Memories of Murder, The Host et Snowpiercer), Sung-bo surprend par sa maitrise technique des codes cinématographiques et réussit malgré tout à nous garder rivé sur notre siège du début à la fin. La tension est palpable et on souffre de voir la nature humaine en pleine déchéance. L’efficacité du cinéma coréen n’est plus à prouver, mais on aurait aimé avec Sea Fog une histoire finement écrite, au lieu d’une mécanique scénaristique bien huilée qui se cherche un genre.

Le capitaine d’un bateau de pêche, Kang, peine à joindre les deux bouts et accepte d’utiliser son embarcation pour faire passer des immigrants illégaux chinois en territoire sud coréen. Certains membres de l’équipage font face à des dilemmes moraux, dont le capitaine. Mais ses intentions sont plutôt floues rendant difficile notre engagement avec lui. C’est effectivement lui qui demande d’obtenir le contrat illicite au début. Or, petit à petit son personnage se transforme, de protagoniste il devient l’antagoniste et agit en dictateur sur son bateau sans crier gare. Les actes horribles et abjects commis sous ses ordres finissent évidemment par contaminer l’esprit d’équipe. Tranquillement, c’est le plus jeune membre de l’équipage, Dong-sik, qui sert de bouée morale. Il prend l’une des immigrantes sous son aile pour la protéger de ses collègues aux hormones déréglées, et l’inévitable romance survient. Bien que beaucoup de critiques aient pointé celle-ci comme une convention trop évidente pour se plier aux règles des blockbusters, c’est justement cette romance et l’attachement sincère du jeune Dong-sik à l’endroit de sa protégée qui exacerbe le suspense et fait monter la tension. Leur relation précieuse et surtout saine est précisément ce qui nous empêche de sombrer dans le chao. C’est le seul élément qu’on ne veut voir souillé, et qui nous engage émotionnellement dans le récit, à l’aide bien entendu du convaincant Yoo-chun Park incarnant Dong-sik. Un rôle qui lui a valu par ailleurs beaucoup d’éloges dans son pays.

La trame du film est construite comme un suspense, et ça marche bien, mais le sujet aurait gagné avec des personnages moins unidimensionnels et un scénario qui prend parti depuis le début en adoptant le point de vue unique de Dong-sik, par exemple. La direction artistique est impeccable, la photo également. Le scénario est efficacement mécanique pour maintenir notre intérêt, mais on en sort déçu. Tout de même à voir avec des attentes ajustées.