Fantasia 2015: La La La at Rock Bottom – critique

La La La at Rock Bottom est une charmante comédie dramatique réalisée par Nobuhiro Yamashita (Linda Linda Linda), qui revient au film musical avec un plaisir qui transperce l’écran à partir d’une prémisse pourtant maintes fois reprise au cinéma: celle de l’amnésie. En sortant de prison, un homme (le chanteur Subaru Shibutani) est attaqué et frappé sauvagement à la tête. Égaré et ayant perdu la mémoire, il apparaît que son talent de chanteur attire l’attention de Kasumi qui gère un groupe de musique ainsi qu’un karaoké. Impressionnée par sa voix, elle l’hébergera pour l’aider à se rappeler et lui offrira de chanter dans son groupe.

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Filmé sobrement, la caméra reste collée aux personnages que l’on apprend à aimer. Le tempérament un peu garçon de Kasumi, très prompte, et l’attitude coincée et drôlement stoïque de l’homme, affectueusement appelé Pooch par Kasumi, créent une série de situations cocasses qui permettent au film de nous exposer lentement aux enjeux dramatiques de nos deux protagonistes. Aucun traitement de montage, ni d’allégories fantaisistes (comme c’était le cas avec Sawako Decides et Mitsuko Deliver de Yûya Ishii). La mise en scène et les comédiens tiennent presque entièrement le film sur leurs épaules, bénéficiant de moments où l’économie de mots est roi. Comme cette merveilleuse scène où Kasumi essaie de faire comprendre à un Pooch rébarbatif qu’il est maintenant important dans sa vie, et cela, malgré son passé trouble. Le scénario tient bien la route pour les deux premiers tiers du film, jusqu’au moment où Pooch retrouve justement la mémoire. La révélation de son passé, qu’on se doutait bien tortueux puisqu’il sortait de prison, n’arrive toutefois pas à satisfaire complètement les attentes, et on continue de regarder le film par simple curiosité. Mais peut-être qu’il faut se demander si le chemin n’est pas plus important que la destination. Le titre de la version anglaise prend tout son sens. La conscience de Shigeo (a.k.a. Pooch) est alourdie par l’accumulation de ses actes irresponsables (comme celui d’abandonner sa propre fille à sa soeur, aigre de le voir revenir), dont il doit assumer par une culpabilité naissante. Ironiquement, c’est en heurtant les bas fonds qu’il se met à chanter, et cela, pour mieux revenir à la surface. Car malgré tout, la vie doit continuer. Le film de Yamashita s’inscrit cette année dans la veine d’oeuvres japonaises brossant le portrait de personnages en perte de repères, écorchés et à la dérive (Wonderful World End, 100 Yen Love, Nowhere Girl, Love and Peace). On peut se demander si ce n’est pas symptomatique d’un climat social propre au Japon actuel, qui montre les signes d’un peuple à la démographie vieillissante et déracinée de ses traditions. Une étude de personnages intéressante pour celui qui s’intéresse au Japon, La La La at Rock Bottom est l’un des films japonais les plus sympathiques du festival jusqu’à présent.

Projeté le 29 juillet, 15h, salle J.A. De Sève