Fantasia – MITSUKO DELIVERS (Yûya Ishii, 2011)

(Originalement publié le 23 juillet 2012 sur la page Facebook de kinephanos.ca)

Le réalisateur du charmant et amusant Sawako Decides, présenté et primé à fantasia en 2010, revient cette année avec cette fable urbaine racontée sur un ton à la fois comique et léger, tout en laissant filtrer subtilement, sans tomber dans le mélo, les conséquences dramatiques d’événements importants ayant marqué l’histoire moderne du Japon. Ici, Mitsuko est enceinte d’un sportif américain qui la quitte. Elle est sympathique, animée d’une spontanéité naïve, un peu rustre pour le japonais moyen moderne, entêtée et émotive (ne pas oublier qu’elle a habité aux États-Unis et qu’elle est enceinte). De retour au Japon, elle est fauchée et se laisse littéralement guider par un nuage jusqu’à atterrir dans le quartier rural et défraîchi de son enfance. Il faut voir la tête du chauffeur de taxi lorsque Mitsuko lui demande de suivre le nuage. L’humour décalé des Japonais, toujours un délice(!). Curieusement, ce même quartier est l’un des rares à Tokyo qui a été épargné par les bombardements de la 2e guerre. Il n’y a qu’un obus planqué sous un plancher qui n’a jamais détoné, au grand désarroi d’une vieille veuve qui n’attend seulement qu’il explose afin de rejoindre son mari. Ce film est une belle métaphore de l’état d’esprit post-Fukushima des Japonais. Mitsuko fait souvent référence à la direction du vent, rappelant la crainte des Japonais lors de la crise nucléaire après le tsunami. Mais lorsque le vent souffle dans sa direction, les autres ont intérêt à la suivre. Et suivez là! Quand Mitsuko vous dit de faire une sieste, faites-le également! L’entraide et la solitude sont également des thèmes récurrents. Les habitants de la petite communauté sont pauvres et défavorisés, mais en temps de crise économique tout le monde s’entraide. Mitsuko contribue d’ailleurs, par sa spontanéité, à faire renouer des liens entre les voisins, à faire revivre le seul restaurant du quartier en amenant de force des clients, ainsi qu’à insuffler un sens dans la vie des gens qui l’entourent, et cela, jusqu’à l’accouchement final… Qu’on ne verra jamais. Or, ce que Mitsuko « délivre », ce n’est pas son enfant, mais l’espoir que personne ne sera jamais seul. « I am not alone » dit Mitsuko vers la fin en regardant la caméra. Un film qui veut aussi mettre en garde, en rappelant comment les rapports humains sont encore fragiles dans le Japon contemporain, parce que malgré les grandes crises que le pays a dû surmonter, comme les conséquences de la 2e guerre, la crise économique de 90, le tsunami et la crainte, encore, du nucléaire avec l’incident de Fukushima, les Japonais citadins continuent de s’isoler les uns des autres (la nouvelle voisine qui emménage au début et qui refuse les cornichons de Mitsuko l’illustre bien). ‘Attention’, dit le film, ne vous isolez pas. Il faut remarquer à cet effet qu’aucune porte n’est verrouillée dans le quartier de Mitsuko. Une insularité prolongée laisse des traces semble-t-il. À voir absolument… dans un club vidéo répertoire près de chez vous, espérons-le dans quelques mois… :-\