Martineau, polémiste et/ou geek refoulé (?)

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Cette réponse arrive un peu tard, mais qu’à cela ne tienne, la voici!

Plusieurs m’ont « un peu déconseillé » de répondre à Martineau à propos de son billet sur le Comiccon, intitulé “L’invasion des superhéros”, avec l’argument qu’il ne méritait pas de réponse, qu’il n’en est pas à une niaiserie près, etc. Au contraire, je trouve qu’il est nécessaire de remettre « la » pendule à l’heure à propos du fan, dont Martineau semble vouloir entretenir le cliché chez ses lecteurs, c’est-à-dire l’image monolithique d’un individu un peu attardé qui n’a pas de vie (« get a life » disait Shatner!). Quelques personnes ont déjà réagi sur la toile à propos du billet de Martineau, qui critique ou plutôt s’exprime ouvertement sur la nature des personnes qui fréquentent le Comiccon. Des personnes d’âge mûr qui aiment pratiquer le cosplay et lire des bandes dessinées qui sont, je cite « destinées à amuser des enfants de 6 à 9 ans! Avec des méchantes créatures gluantes et de bons super héros qui peuvent voler et voir à travers le ciment! ». Cela dit, on confond souvent à tort le graphic novel avec la BD ou les comics. Grosso modo, le graphic novel V for Vendetta s’adresse à un lectorat adulte, le personnage de comics Spiderman à un lectorat plus adolescent – originalement du moins. Mais Martineau sait déjà tout cela. Bref, le but de mon intervention est ailleurs. Comiccon est un événement dédié à la culture populaire, où petits et grands, l’instant d’un week-end, vivent dans un autre monde, faisant partie d’une communauté où chacun est compris sans la nécessité de justifier sa passion pour tels ou tels personnages, tel ou tel univers de science-fiction, et cela, loin des curieux qui pourraient le regarder de travers. Il y a aussi des conférences aux qualités inégales, parfois même de nature académique, mais toujours divertissantes. Être geek, un fan, c’est maintenant quelque chose de cool. Alors que vous déclarer geek dans les années 80 vous aurait fait passer pour le nerd de service et tête de Turc, maintenant c’est cool, être geek. Mais Monsieur Martineau, le polémiste, encore, sait tout cela. C’est un homme cultivé (sic) qui se cache derrière la façade d’un grossier personnage bourru, qui connaît bien, de surcroit, les leviers de l’opinion publique afin que les vierges offensées sortent de leurs terriers.

Je ne suis pas une vierge offensée, mais je suis inquiet. Inquiet lorsqu’un homme de culture(sic) qui travaille dans une institution médiatique à grand tirage se sert de cette tribune pour entretenir tous les poncifs habituellement entendus à propos du fan. Comme si ce dernier, souvent adulte, n’avait toujours pas traversé la phase anale d’une adolescence clichée bourgeonneuse. Martineau contribue donc ainsi à véhiculer des inepties à propos du fan qui ne seront malheureusement lues qu’au premier degré par la majorité de ses lecteurs. Et c’est ce qui me désole. Le cliché est entretenu. Ceux et celles qui pratiquent le cosplay, collectionnent des figurines, ou lisent des comics, ne souffrent pas de névrose, « they got a life ». La boutade de William Shatner lors du célèbre sketch de SNL, à laquelle il fait référence, était une blague, certes, que les fans ont avalée de travers, mais une blague. Monsieurs Shatner respecte trop ses fans pour leur lancer sérieusement de telles âneries par la tête. Il est vrai, toutefois, qu’il existe des fans qui s’investissent un peu trop, selon certains, et franchement plus que d’autres, de manière en apparence déraisonnée et déraisonnable. Peut-être sont-ils minoritaires, et qu’au fond, l’esprit du jeu déployé sans gêne lors des comiccons de ce monde leur permette au moins de vivre sainement comme des individus normaux, l’instant d’un week-end, à l’abri d’une société réglée par le regard des autres. Pour la majorité silencieuse, les fans adultes qui travaillent de 9 à 5 encarcanés dans la routine, c’est un moment de carnaval où les masques sont remplacés par d’autres. Les carnavals masqués n’existent pas depuis hier. Plusieurs points soulevés dans son billet visent juste toutefois. Le cinéma actuel semble effectivement sclérosé dans un mouvement de films à franchise et de superhéros! Il y a quelques perles côté cinéma de genre, comme 10 Cloverfield Lane et Midnight Special, mais il faut les trouver quand elles passent! Mais doit-on réprimander les fans pour cela, en pointant du doigt le caractère ludique de leurs démarches, à tort considérées puériles par le néophyte? La tradition des serial ne date pas d’hier non plus, et remonte à la littérature! On a remplacé les personnages de la mythologie et les rituels religieux par des personnages aux pouvoirs surnaturels et des conventions.

Donc, Martineau le polémiste, soit (évidemment!). Mais, est-ce que Martineau serait aussi un geek refoulé qui s’ignore? S’il te plaît Martineau, sort du placard déguisé en Superman, qu’on en finisse.