Berserk: Golden Age Arc I, II et III – Critique Fantasia

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Note importante : la critique qui suit tient compte d’un visionnement tronqué à la projection. Le troisième volet – Advent – fut présenté pour une raison inconnue sans l’introduction prégénérique de 6 minutes, qui dévoilait d’importants détails sur le plan du récit et surtout pour la cohésion narrative et générique. Ce qui passe actuellement pour une rupture de ton, aurait probablement mieux passé à l’écran avec l’introduction… Fantasia, soyez focus, pas seulement sur l’écran.

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L’univers de Berserk est un objet hybride, complexe et dense, qui mélange des genres avec lesquels les amateurs sont familiers : fantasie noire (dark fantasy), gore (graphiquement très explicite), chevalerie sur fond de fresque médiévale et de complot; on y retrouve notamment des monstres, des elfes (dont Puck dans le manga), des démons (The God Hand), mais aussi des humains dont Guts, un survivant téméraire qui n’a peur de rien. D’abord une populaire série de manga, publiée depuis les années 90 jusqu’à nos jours, puis une série anime de 25 épisodes de 97 à 98, le cycle Golden Age (vol. 4-13), dont les films s’inspirent, se concentre sur les péripéties de Guts, un mercenaire solitaire au talent naturel pour le maniement d’une épée surdimensionnée, et son implication dans la bande de mercenaires Hawk. Avec Griffith, chef androgyne de la bande portant à son cou un étrange béhélit, et Casca, son lieutenant, ils gagneront la confiance du roi et accèderont à la noblesse, et cela, en récompense pour leur efficacité sur le champ de bataille au sein de l’armée du Midland (ce nom ressemble curieusement à Middle-Earth, sans parler d’un personnage qui s’appelle Pippin!). Le rêve sera de très courte durée!

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Le premier volet, The Egg of the King (2012), fut présenté l’année dernière à Fantasia. Cette année, les deux derniers volets du cycle furent projetés, The Battle for Doldrey (2012) et Advent (2013). Or, comparés au premier film, ces deux volets comportent plusieurs scènes matures sur le plan graphique qui frôlent le hentai sans jamais être trop explicites, mais fortement suggéré. Le récit subit drastiquement, particulièrement dans le dernier film, une rupture de ton qui pourrait aussi rendre mal à l’aise le spectateur non averti qui n’a pas lu les manga ni vu la série anime. Sans trop rien dévoiler au néophyte, disons simplement que les trois personnages principaux y subissent certaines atrocités, physiques et mentales, et que leurs déchéances sont graphiquement notables.

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C’est malheureusement là où le bât blesse, non pas que le côté très sombre, lugubre et particulièrement scabreux de l’épisode Advent m’ait gêné outre mesure, mais puisque la trame des deux premiers épisodes ne comporte pas, ou très peu, de scènes ni d’éléments narratifs clairement fantaisistes, la très longue scène finale en enfer détonne franchement, elle, de manière gênante, illustrant bien comment certains créateurs japonais ont souvent de la difficulté à maintenir une cohésion narrative dans leurs récits ; les excès semblant, pour le meilleur et pour le pire, définir encore et encore leur mode de construction narratif (on pourrait écrire un très long billet à ce propos dans une perspective historique tout en invoquant l’imagerie post-apocalyptique qui hante l’imaginaire nippon depuis… la Seconde Guerre).

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Les films n’ont pas su bien intégrer avec cohérence les éléments fantaisistes qui sont pourtant présents dès le début dans les manga et dans la série, tenant presque pour acquis que le spectateur a déjà été en contact avec l’univers de Berserk avant. Les films semblent vouloir faire des clins d’œil aux fans, notamment avec l’elfe Puck (on présume) qui apparaît en caméo lors d’une scène complètement inutile, ajoutant à l’argumentaire de la brisure de ton propre au troisième volet. Qu’est-ce qu’un petit elfe ailé fout là sans justification? Pensera-t-on. L’animation est toutefois très réussie, hormis certaines images en 3D qui sont par moment mal intégrées, excepté pour le dernier volet. La musique épique (de Shiro Sagisu) ajoute également à l’ensemble un côté grandiose qui pimentera le plaisir sensoriel du fan lors des scènes d’action.

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À la tête de ce reboot : le studio 4˚C, bien connu dans le milieu de l’animation au Japon. Il est notamment responsable de la célèbre anthologie Memories (1995), de productions plus audacieuses sur le plan artistique comme Mind Game (2004) et Tekkon Kinkreet (2006), ou du convenu mais efficace Steamboy (2005) et de l’ordinaire The First Squad : The Moment of Truth (2009) présenté à Fantasia en 2010. Le studio est également responsable de la série Animatrix (2003). Sans rien réinventer et bien que l’adaptation cinématographique manque de cohésion dans le mélange des genres, la trilogie Berserk Golden Age, dont la qualité visuelle de la production est indéniable, saura probablement satisfaire les amateurs du genre (surtout avec les nombreuses scènes de fan service et l’hémoglobine éclaboussant ci et là et virtuellement la lentille). En résumé: le premier volet, The Egg of the King, est plutôt ordinaire; le second, The Battle for Doldrey, propose un récit franchement efficace avec son lot d’intrigues bien menées; alors que le troisième volet, The Advent, tombe dans l’excès graphique sans préavis (pour le néophyte), culminant avec un massacre sacrificiel particulièrement sanglant.

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Note: Cette tentative semble s’inscrire plus largement dans une mouvance bien contemporaine consistant à réécrire nos mythes médiatiques. On connait bien le phénomène de reboot en Occident depuis quelques années. Au Japon, il y a le projet de quadrilogie Rebuild Evangelion (2007- …), dont le troisième volet fut projeté au début du festival; et aussi à Fantasia cette année le film 009 Re:Cyborg, produit par Production I.G et adapté d’une série de manga et de nombreuses itérations télévisuelles et cinématographiques depuis les années 60.