Enjeux de connectivité et d’accès à la musique chez les publics de deux festivals de musique classique au Québec

Volume 6, numéro 1, décembre 2016

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DANICK TROTTIER
Université du Québec à Montréal

Résumé
Les résultats présentés dans cet article découlent des données recueillies au cours de deux enquêtes de terrain qui s’inscrivent dans le projet de Développement des publics de la musique au Québec (DPMQ). Les enquêtes ont été réalisées au cours de l’année 2015, soit lors de la 7e édition du Festival MNM du 26 février au 7 mars et lors de la 38e édition du Festival de Lanaudière du 4 juillet au 2 août. Par l’entremise d’un questionnaire, le public a fourni des informations quant à ses habitudes d’écoute et ses préférences musicales. L’article s’arrête à deux enjeux qui relèvent de la connectivité de ce public festivalier, soit les sources d’information qui ont conduit aux concerts et les supports d’écoute qui sont privilégiés dans la relation individuelle à la musique. Les réponses obtenues sont analysées à partir de deux variables qui servent à distinguer les groupes sociaux dans les enquêtes culturelles, soit l’âge et la scolarité.

Mots-clés : festival, classique, public, média, support

Abstract in English at the end of the article

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Introduction
Les institutions musicales consacrées au concert font face à des choix difficiles depuis quelques années, à l’image des choix auxquels sont confrontés les médias traditionnels, voire toute institution culturelle : comment fidéliser son public et comment en attirer un nouveau ? Ces questions se posent dans un contexte où la révolution numérique en musique, entamée depuis près de 20 ans (l’arrivée de Napster en 1999 pour le partage de fichiers musicaux en format MP3 sert souvent de marqueur historique), oblige les institutions musicales à rivaliser d’audace quant à la façon d’entrer en contact avec les publics. Dans le cas de la musique classique, il est à se demander si la migration des habitudes d’écoute vers Internet peut freiner l’attrait qu’exerce le concert, le mélomane étant plus difficilement joignable que par les médias traditionnels et le concert étant une pratique culturelle encore largement basé sur l’achat d’un billet. Ces enjeux surviennent dans un contexte où, comme la plupart des enquêtes nationales en font la démonstration (pour la France, voir Dorin 2015, pour le Québec, Garon et al. 2011), les publics fréquentant les concerts classiques se recrutent principalement dans les tranches d’âge les plus élevées, ce qui sera discuté plus loin. Pour les institutions musicales, par-delà la situation de concert, les informations concernant les pratiques et habitudes culturelles des publics deviennent importantes pour jauger les changements qui prennent forme, par exemple dans la mise en publicité d’une nouvelle saison. Cela est d’autant plus important que le virage numérique a affecté ces institutions davantage dans le modèle d’affaires que dans l’offre culturelle : site Internet, présence sur Facebook et Twitter, vente de billets en ligne, etc. Autrement dit, ces institutions sont à l’heure des choix quant à la façon de négocier avec les formes de connectivité qu’offre Internet dans le rapport entretenu avec les publics.

La présente étude offre quelques pistes de réflexion sur les enjeux de connectivité et d’accès à la musique à partir des résultats obtenus lors de deux enquêtes réalisées dans le cadre des travaux du DPMQ, soit le Développement des publics de la musique au Québec rattaché à l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM) de l’Université de Montréal.[1] L’un des mandats du DPMQ, en partenariat avec des organismes culturels et des lieux de diffusion, consiste à étudier et à documenter les publics de la musique au Québec, offrant ainsi des données importantes par rapport aux habitudes culturelles des publics de la musique en contexte québécois – le DPMQ vient ainsi combler un vide important quant à la connaissance des publics de la musique à partir de données recueillies sur le terrain.[2] Les deux enquêtes à la base de la présente étude ont été réalisées au cours de l’année 2015, soit lors de la 7e édition de MNM du 26 février au 7 mars et lors de la 38e édition du Festival de Lanaudière du 4 juillet au 2 août.[3] Les enquêtes de terrain, assumées par des bénévoles, étudiants et chercheurs du DPMQ, se sont matérialisées à travers un questionnaire selon la méthode dite d’interception en situation de concert (avant le concert ou à l’entracte).[4] Le questionnaire, sous forme anonyme, comptabilise les réponses de manière individuelle (uniquement des personnes majeures) ; il comporte plusieurs questions partant des sources de motivation jusqu’au profil sociodémographique du festivalier (âge, sexe, etc.).[5] L’équipe du DPMQ s’est présentée à onze concerts de MNM et à huit concerts du Festival de Lanaudière. Dans le contexte de MNM, 162 répondants (sur une population totale estimée à 4 422 participants aux concerts couverts par l’enquête) ont répondu au questionnaire, ce qui donne une marge d’erreur de 7,56%, 19 fois sur 20. Dans le contexte du Festival de Lanaudière, 262 répondants (sur une population totale estimée de 13 488 participants aux concerts couverts par l’enquête) ont répondu au questionnaire, ce qui donne une marge d’erreur de 6,05%, 19 fois sur 20. Ce sont donc 424 festivaliers qui ont été sondés lors des deux enquêtes de 2015. Il est important de préciser que les marges d’erreur sont données à titre indicatif et que les résultats présentés ici ne peuvent être généralisés à l’ensemble de la population festivalière ayant participé aux concerts de ces deux organismes lors des éditions 2015. D’où l’importance de préciser que les résultats sont circonscrits à l’échantillon découlant des deux enquêtes.

En outre, les habitudes culturelles font l’objet de questions spécifiques au sein des deux enquêtes et montrent l’intérêt de se pencher sur la connectivité et l’accès à la musique chez les publics. À la lumière des résultats obtenus, deux variables parmi celles sondées sont retenues dans la présente étude : l’âge et la scolarité – les autres variables étant le pays d’origine, la langue parlée, les revenus personnel et familial, le lieu de résidence, etc. Entre autres, l’âge et la scolarité mettent en relief un certain nombre d’enjeux dans l’accès à la musique, par exemple la place de la radio, du disque ou de l’Internet dans les habitudes d’écoute. Comme on le verra dans les lignes à venir, ces deux variables sont aussi mobilisées dans plusieurs enquêtes sur les goûts musicaux et les pratiques culturelles dans la mesure où elles s’imposent comme un passage obligé pour expliquer les tendances sociales observées. Les enquêtes et études qui serviront de point de référence ou de point de comparaison ont été principalement publiées au Québec et en France depuis les années 2000, et découlent en général des études réalisées dans des instituts de statistique comme l’Institut de la Statistique du Québec et l’Insee pour la France. De même, une étude portant sur les publics et les habitudes culturelles ne peut faire l’impasse des acquis théoriques enregistrés au cours des dernières décennies en sociologie des arts et des pratiques culturelles, que ce soit la légitimité culturelle de Bourdieu (1979), la figure de l’omnivore de Peterson (1992), la tablature des goûts de Glevarec et Pinet (2009) et d’autres travaux qui seront cités en cours de réflexion.

Le public festivalier en musique classique
Parmi les festivals inclus dans le projet du DPMQ, deux évoluent dans la tradition de la musique classique : le Festival de Lanaudière, qui a vu le jour en 1977 dans la région de Lanaudière et qui propose durant la saison estivale (principalement le mois de juillet et le début du mois d’août) autour de vingt-cinq concerts dans les églises de la région de Lanaudière et à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette ; le Festival international Montréal/Nouvelles Musiques (ci-après MNM), qui a vu le jour en 2003 à Montréal et qui propose sur une base bi-annuelle (principalement à la fin février et au début du mois de mars) plus d’une vingtaine de concerts sous la direction artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ). Le Festival de Lanaudière se consacre principalement à ce qu’on pourrait appeler « le long XIXe siècle » (voir Dahlhaus 1989, 2-3), soit un répertoire qui s’étend des œuvres du style classique de la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux œuvres modernes du début du XXe siècle. Le genre de la musique de chambre est celui favorisé dans les églises, alors que le genre de la musique orchestrale trouve sa place à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay.[6] Il arrive que le Festival de Lanaudière accueille des prestations musicales qui relèvent de genres autres que ceux rattachés à la musique classique, par exemple des concerts de jazz ou de tango (majoritairement le dimanche). De même, quelques concerts consacrés à la musique contemporaine, soit un genre qui regroupe la production musicale dite savante de la deuxième moitié du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, sont insérés dans la programmation. Quant à MNM, sa programmation est entièrement orientée du côté de la musique contemporaine, que ce soit des nouvelles créations musicales selon la thématique du festival, des musiques contemporaines ou modernes ayant été écrites durant le XXe siècle.[7]

Regrouper ces deux organismes dans une même étude ne va pas forcément de soi. Les deux festivals accusent plusieurs différences quant à l’espace de diffusion et à l’activité culturelle proposée : le Festival de Lanaudière se déroule dans la période faste de l’été (juillet et première semaine d’août) et accueille plusieurs milliers de festivaliers, tandis que MNM se déploie en période hivernale (dernière semaine de février et première semaine de mars) et accueille un public moins nombreux. D’autant plus que le premier se déroule en périphérie de Montréal avec un mandat régional distinctif visant à diffuser la musique dans différentes lieux, tels que les églises. Le second est plutôt centré en milieu urbain et à proximité des universités (UQAM et McGill) et de la Place des Arts. Les deux festivals partagent aussi des similitudes, qui se mesurent à la réalité festivalière : programmation courte sur une période annuelle dans un cas et bi-annuelle dans l’autre, public plus volatile que dans le cadre d’une institution se déroulant sur une longue période, aucun concert gratuit, etc.[8]

À cela s’ajoute le fait que l’objet premier des deux festivals est beaucoup plus en continuité qu’il n’est en rupture : la musique contemporaine se présente comme le prolongement logique de la tradition de la musique classique et les deux appartiennent à la grande catégorie des musiques dites savantes. De plus, le public prend part à une activité culturelle qui s’inscrit dans un minimum de trois réalités communes, soit le temps court du festival, l’accès payant aux événements en fonction d’artistes ou d’ensembles connus et l’objet d’écoute associé à la tradition classique. Il ne faut pas pour autant minimiser les différences observables dans les réponses obtenues au cours des deux enquêtes et c’est pourquoi les données seront présentées séparément dans les lignes à venir, pour ensuite être croisées selon les groupes sociaux identifiés.

Connectivités et goûts chez les festivaliers
Le questionnaire réalisé dans le cadre des deux enquêtes comporte plusieurs questions qui se rattachent à la façon dont la musique circule chez les festivaliers et les formes de connectivité qui en découlent dans les pratiques d’écoute. Parmi ces questions, deux s’avèrent fondamentales et feront l’objet d’une analyse détaillée dans les lignes à venir avec tableaux à l’appui, soit : « Comment avez-vous entendu parler du concert auquel vous assistez aujourd’hui?[9] » et « De façon générale, quand vous écoutez de la musique, est-ce surtout à partir de [choix de support pour l’écoute][10] ». Ces deux questions ne sont en rien exhaustives par rapport aux pratiques et habitudes musicales des festivaliers qui se sont prêtés au jeu de l’enquête. D’autres questions viennent compléter le tableau général : fréquence de sortie dans les concerts, genres musicaux écoutés, etc. De telle sorte que ces questions ont pour objectif de poser des balises quant à la relation qu’entretiennent les festivaliers à la musique.[11]

Les données qui seront analysées concernent directement et indirectement la façon dont la musique circule et se pratique chez les festivaliers ayant participé aux deux enquêtes. La circulation musicale est étudiée ici par les modes de diffusion qu’elle mobilise et par la façon dont elle se vit au quotidien. Même si le questionnaire a été réalisé dans le cadre d’une soirée de concert, les questions portent aussi sur la relation à la musique par-delà le lieu qui a permis le sondage, ce qui renvoie à la relation individuelle à la musique. En ce sens, les réponses obtenues aux deux questions font intervenir trois formes de médiation : matérielles (comme le CD et le vinyle), dématérialisées (comme les pistes numériques et les services de musique en ligne) et médiatisées (comme la télévision et la radio). C’est ici qu’on pourra jauger l’enjeu de la connectivité chez les festivaliers sondés, connectivité au sens de la passation d’une information à partir d’une source donnée (par exemple une publicité dans les journaux) ou au sens d’un objet esthétique selon ce qui en permet l’écoute (par exemple un CD).

Avant de passer à l’analyse des données, il reste à préciser les variables qui sont présentées dans le questionnaire quant à la morphologie sociale du public sondé. Les variables sociales qu’on retrouve dans les enquêtes sont nombreuses et se déclinent la plupart du temps en plusieurs strates (genre, ethnicité, groupe d’âge, occupation, revenus, etc.). Dans le présent article, deux variables ont été retenues : l’âge et le niveau de scolarité. Ces deux variables sont normalement présentées par groupes sociaux, ceux-ci étant délimités par tranche d’âge (18-24 ans, 25-34 ans, 35-44 ans, etc.) et par niveau de scolarité complété (études primaires, études secondaires, etc.), ce qui est le cas dans les tableaux insérés dans les deux prochaines sections.

Les enjeux que portent les variables de l’âge et du niveau de scolarité dans les résultats obtenus expliquent pourquoi elles ont été favorisées dans la présente étude.[12] Dans le cas de MNM, bien que toutes les tranches d’âge soient représentées, la forte proportion du public se situe à parts égales (soit 22,5% pour les deux groupes) parmi les 25-34 ans et les 55-64 ans ; les 35-44 ans sont présents dans une proportion de 15,2%. Mais, fait important, ce groupe est moins nombreux que les jeunes de 18 à 24 ans (19,2 %). Ces résultats à MNM donnent une moyenne d’âge de 43 ans chez les festivaliers sondés. Quant au niveau de scolarité, il donne des indications importantes : 72,8% des répondants possèdent un diplôme universitaire (forte proportion pour la maîtrise avec 33,1%).[13] Le fait que 15,2% des répondants possèdent un diplôme d’études collégiales s’explique par la présence d’étudiants de premier cycle lors de certains des concerts, ces derniers s’étant parfois déplacés pour venir écouter l’un de leurs professeurs (Couture et Duchesneau 2015, 13-14 ; 18-19). En ce sens, ces deux variables font ressortir deux caractéristiques qu’on observe fréquemment chez le public de la musique contemporaine et que plusieurs chercheurs ont notées par le passé : ce public, que l’on qualifie parfois de « niche », se recrute principalement dans les milieux universitaires et est fortement scolarisé, mettant ainsi à l’avant-plan la portée de l’éducation musicale (voir Menger 2003, 1181-1182). Cela est confirmé par le fait que 51,6% des personnes sondées ont dit avoir une formation musicale. Par conséquent, ces chiffres font la démonstration que l’habitus joue un rôle important dans l’accès à cette musique, le concept de Bourdieu supposant un apprentissage et une assimilation des codes pour évoluer de manière naturelle dans un milieu donné (voir Dortier 2008, 12), ici la musique contemporaine.

À l’inverse, 62,8% des répondants au Festival de Lanaudière ont répondu ne pas avoir de formation musicale. De plus, ils sont un peu moins nombreux à avoir complété des études universitaires, soit 49,4% des personnes interrogées (forte proportion pour le baccalauréat avec 29,9%). On ne doit pas en conclure que le public de ce festival est moins scolarisé, d’autant plus que 25,3% des personnes sondées possèdent des études collégiales et 6,9% un certificat de premier cycle. Bref, le public du Festival de Lanaudière à la base de l’enquête se différencie du public de MNM en étant plus absent dans les hauts échelons de la scolarisation, mais se situe au même niveau pour la scolarité générale en partant des études collégiales. En revanche, la mise en valeur du concept d’habitus selon l’apprentissage et la fréquentation du milieu rattaché à la sortie culturelle semble moins pertinente dans le contexte de l’enquête à Lanaudière, bien que le taux de diplomation demeure élevé.

Les deux festivals sont donc en continuité avec un marqueur de goût plus traditionnel selon lequel un niveau de scolarité élevé va de pair avec l’écoute de la musique classique, cette dernière étant incluse dans les pratiques dites légitimes. Depuis la publication en 1964 de l’ouvrage Les Héritiers par Bourdieu et Passeron, la scolarité s’affirme comme une composante essentielle dans la compréhension des habitudes culturelles selon les goûts de classe, ce qui va dans le sens d’une stratification vers le haut. Selon la théorie de la légitimité culturelle, plus une personne appartient aux classes supérieures et plus l’éducation qu’elle reçoit en fonction de l’habitus concorde avec la mise en place d’une pratique distinctive – elle maîtrise donc les codes du goût légitime (Bourdieu 1979, 293-364). Toutefois, les festivaliers sondés ayant complété des études collégiales au Festival de Lanaudière, dans une proportion de 25,3%, n’ont rien à voir avec les festivaliers de MNM rattachés au même niveau d’études dans une proportion de 15,2%. À MNM, la grande majorité de cet échantillon est composée de festivaliers qui sont engagés dans un processus de scolarisation de premier cycle à l’université, ce dont témoigne leur statut d’étudiant. D’autant que le niveau d’âge du Festival de Lanaudière accuse une différence majeure par rapport à MNM : les résultats sont moins ventilés, créant une asymétrie à la faveur des festivaliers les plus âgés. Les résultats obtenus donnent une moyenne d’âge de 64 ans au Festival de Lanaudière, les 65 ans et plus étant majoritaires (58,2%) ; les 55-64 ans sont présents dans une proportion de 26,6%, suivis de faibles taux pour les autres groupes d’âge (2% pour les 18-24 ans). Règle générale, la tranche des 41-60 ans est le groupe d’âge le plus représenté dans les festivals de musique classique (Négrier et al. 2013, 106), si bien que seul MNM se situerait dans cette moyenne (voir plus haut pour les résultats obtenus à MNM).

Les deux variables que sont l’âge et la diplomation offrent donc une situation en chassé-croisé lorsqu’on met les deux festivals côte à côte à partir des données obtenues dans les deux enquêtes : d’un côté les recoupements sont nombreux pour le niveau de scolarité, de l’autre ils sont en éloignement pour l’âge observé. Du côté du genre, la différence se décline à la faveur d’un autre chassé-croisé : pour l’enquête réalisée à MNM, les hommes sont présents dans une proportion de 58,8% et les femmes dans une proportion de 41,3%, tandis que pour celle réalisée au Festival de Lanaudière les femmes sont présentes dans une proportion de 58,5% et les hommes dans une proportion de 41,5%.

Une autre raison pour laquelle ces deux variables (âge et diplomation) ont été retenues réside dans le fait qu’elles sont constamment mobilisées dans les recherches portant sur le goût musical. L’âge, par exemple, ressort comme une donnée prépondérante pour situer les préférences musicales de la population. Philippe Coulangeon résume ainsi cet enjeu dans une étude portant sur les pratiques musicales des Français à partir de l’enquête de l’Insee réalisée en 2003 :

Les différences d’âge jouent, dans les pratiques d’écoute musicale, un rôle beaucoup plus affirmé que dans d’autres registres culturels, qui s’interprète d’ailleurs vraisemblablement davantage en termes de générations ou de périodes qu’en termes d’âge stricto sensu. C’est en effet moins la jeunesse en tant que telle que la contemporanéité des styles ou des modes musicales qui imprègne l’environnement culturel des générations successives qui est ici en jeu. (2008, 26-27)

Quant à l’enquête réalisée par Garon, Lapointe et Laflamme (2011) sur les pratiques culturelles au Québec durant l’année 2009, elle tend à montrer que certains genres exercent une plus forte attraction selon le groupe d’âge : la musique classique (ce qui comprend le classique, l’opéra et l’opérette) est incluse dans les pratiques d’écoute à mesure que l’on grimpe dans les groupes d’âge : 5,5% pour les 15-24 ans, 6,8% pour les 25-34 ans, 21,6% pour les 55-64 ans et 30,6% pour les 65 et plus. La catégorie qui apparaît comme l’exacte opposée est celle regroupant le rap et le hip hop, avec 19,7% pour les 15-24 ans et des chiffres en deçà de 1% pour les 55 ans et plus (Garon et al. 2011, 103). De même, les résultats obtenus dans l’enquête de 2009 montrent une courbe ascendante dans l’équation entre musique classique et diplôme : 19,8% pour les auditeurs possédant des études universitaires, les chiffres se situant entre 11% et 13% pour une scolarisation moins élevée (Garon et al. 2011, 103). Si l’on se fie au niveau élevé de diplomation des festivaliers à la base des deux enquêtes, il est permis d’affirmer que les résultats obtenus rejoignent ceux sur les pratiques culturelles à l’échelle provinciale découlant de l’enquête de 2009, soit un goût pour la musique classique selon une scolarisation plus élevée dans le cas autant de MNM que du Festival de Lanaudière. À ceci près que la variable de l’âge selon une préférence pour la musique classique dans les groupes d’âge les plus élevés se manifeste avec force au Festival de Lanaudière et de manière moins prononcée à MNM.

Par ailleurs, les préférences musicales exprimées par les festivaliers sondés lors des deux enquêtes complexifient le rôle joué par l’âge et la scolarité. Les festivaliers devaient nommer les trois genres de musique qu’ils écoutent – aucun choix de réponse n’était proposé.

Étonnamment, tout ce qui se rapporte à la tradition de la musique classique (ce qui comprend la musique contemporaine) ne figurait pas toujours dans les réponses données par les festivaliers sondés à MNM : sur un effectif de 378 mentions, 30,4% des genres se rapportent à la tradition de la musique classique, 18,5% au jazz et au blues et 13,2% au rock et au punk. Si le classique ressort comme la catégorie prégnante dans le cadre d’une activité qui s’inscrit dans ses limites, l’on constate aussi un fort éclectisme des goûts qui, couplé au haut niveau d’instruction des festivaliers, conduit à la figure de l’omnivore culturel. Ce cas de figure, théorisé principalement par Peterson (1992), délimite le changement survenu dans les goûts musicaux à partir des années 1980 avec des individus appartenant aux classes supérieures mais dont les pratiques d’écoute combinent les arts dits légitimes (highbrow) et ceux qui en sont exclus (lowbrow). Largement discutée dans les études en sociologie du goût et remise en question aujourd’hui (Glevarec et Pinet 2009, 608-615), cette figure de l’omnivore culturel n’en demeure pas moins opérante lorsque le chercheur est confronté à des résultats d’enquête où les genres musicaux les plus divers cohabitent et nourrissent une même boulimie culturelle. Comme le rappelle Coulangeon, cet éclectisme des goûts qui s’observe depuis les années 1980 affaiblit l’équation bourdieusienne entre diplomation et goût légitime, et cela au profit d’un « brouillage des frontières entre musique savante et musiques populaires » (2010, 67). En revanche, les goûts n’en sont pas moins stratifiés selon le groupe d’âge : le rap et le hip hop sont mentionnés que par les 44 ans et moins (3,4%), tout comme le rock et le punk sont plus présents chez les plus jeunes. Ces données rejoignent les propos de Coulangeon (2008, 26-27) quant à la contemporanéité des genres musicaux selon les catégories d’âge.

Le Festival de Lanaudière, où le public est plus âgé, offre un tableau quelque peu différent. Dans l’effectif de 594 mentions, tout ce qui se rattache aux genres de la musique classique obtient 39,1% des suffrages, ce qui s’explique à nouveau par la corrélation avec le produit à la base de l’événement. Tous les genres se rapportant au jazz et au blues obtiennent à nouveau une part importante, soit 20%. Si les genres se rapportant à la pop et à la variété occupaient une faible place chez les festivaliers de MNM (9%), ils prennent du galon chez les festivaliers de Lanaudière (15,3%). Les genres se rapportant à la chanson avec le qualificatif « chansonnier » sont très peu soulignés dans les réponses obtenues à MNM (3,7%), mais arrivent au quatrième rang chez les festivaliers de Lanaudière (11,8%). Il est aussi important de mentionner que cet intérêt pour la chanson se rencontre davantage chez les festivaliers possédant des études universitaires (42 fois contre 16 fois pour les études collégiales). Cela marque possiblement une appréciation littéraire de la chanson chez un public francophone à plus de 96,6% – plusieurs festivaliers répondaient spontanément « chansonnier » comme genre.

Il est certain que dans la formulation, la question sur les goûts favorise une forme d’éclectisme puisqu’il est demandé aux festivaliers de nommer trois genres musicaux – il est à noter que certains ont tenu à n’en nommer qu’un seul ou deux. Lors des deux enquêtes, il a été au moins permis de constater un fait sur le terrain : l’ouverture/tolérance exprimée(s) à l’égard des autres genres musicaux, ce qui rejoint la réalité décrite par Glevarec et Pinet dans leur tablature des goûts musicaux (2009, 634-635). Cette ouverture/tolérance se remarque surtout en ce qui concerne les rencontres entre musique classique, jazz, chanson et pop, là où des genres comme le punk et le hip hop sont presque exclusivement mentionnés par les festivaliers de moins de 40 ans.[14] Dans ce contexte, l’éclectisme des goûts observé depuis les années 1980, et qui s’exprime désormais en termes d’ouverture/tolérance, tend à affaiblir la conjonction entre études complétées et préférences musicales et à donner plus de poids à la variable de l’âge. Cela tend-il pour autant à invalider la théorie bourdieusienne de la légitimité culturelle, surtout en ce qui concerne la musique classique ? Comme il a été démontré plus haut, les festivaliers sondés lors des deux enquêtes font partie des strates les plus éduquées de la population. C’est moins la portée de l’habitus qui semble déterminante que l’intérêt porté à la musique classique à titre de pratique légitime mais non vécue de manière exclusive. C’est pourquoi les deux variables retenues restent pertinentes pour supputer les enjeux de connectivité qui sont mobilisés dans l’accès à la musique.

Sources d’information chez les festivaliers
La question portant sur les sources d’information met en perspective les moyens de communication qu’utilisent les festivaliers sondés dans leur rapport à la musique. Trois données différentes ont pu être validées dans l’accès à l’information entourant les concerts auxquels le public a assisté : la relation aux médiations sociales que forment les médias institutionnels et les médias virtuels ou sociaux ; l’attachement à l’institution via la programmation et les infolettres ; la socialisation à la base de l’activité de concert et qui consiste à se déplacer en couple, en famille, entre amis, etc.

Tableau 1 : Festival MNM, édition 2015, enquête DPMQ [15]

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Tableau 2 : Festival MNM, édition 2015, enquête DPMQ

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Dans le cas de MNM, les contacts ont été le moyen de communication favorisé dans une proportion de 40,9%, Internet et « Autre » arrivant à égalité avec respectivement 16% des réponses obtenues. Mais il faut s’empresser d’ajouter que dans la catégorie « Autre », plusieurs festivaliers ont signalé qu’une connaissance (professeur, ami, parent, conjoint, etc.) leur avait fait connaître le concert. Les médias plus traditionnels que sont la télévision, la radio et les journaux écrits récoltent moins de 10% dans les résultats obtenus. Quant aux médias sociaux (8,8%), ils sont davantage mentionnés chez les plus jeunes.[16]

Si l’on croise ces données avec celles obtenues pour le niveau de scolarité, le tableau se complexifie quelque peu, entre autres pour les médias sociaux qui semblent avoir la faveur des plus instruits, à ceci près que le public est largement diplômé comme nous l’avons mentionné plus haut. Si l’on exclut les contacts, les moyens de communication dans l’accès au concert sont répartis sans ligne de force, par exemple pour les festivaliers possédant un baccalauréat. Mais le fait est que les réseaux de contacts sont la donnée la plus prégnante de l’accès au concert chez les festivaliers sondés, ce qui renforce la portée du concept d’habitus mis de l’avant dans la partie précédente : le milieu dont sont issus plusieurs des festivaliers sondés à MNM étant celui de la musique, les informations circulant dans ledit milieu engendrent une présence plus importante de ses membres. Cette réalité n’est pas exclusive mais reste facilement compréhensible dans le contexte d’un public de « niche » où le bouche-à-oreille joue un rôle prépondérant.

Tableau 3 : Festival de Lanaudière, édition 2015, enquête DPMQ

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Tableau 4 : Festival de Lanaudière, édition 2015, enquête DPMQ

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Qu’en est-il du côté de Lanaudière ? La connaissance des concerts par l’intermédiaire des médias traditionnels est plus prononcée dans les résultats de l’enquête, la télévision, la radio et les journaux écrits cumulant 23% des mentions, et dans une forte proportion chez les 65 ans et plus. À l’inverse, les plus jeunes ne mentionnent que très rarement ces moyens de communication. Et si l’on tient compte du niveau d’études, les moyens traditionnels de communication sont sensiblement répartis, cependant que certains chiffres oscillent dans un sens ou dans l’autre, par exemple davantage de télévision pour les études collégiales. Dans le cas des journaux écrits, ils ont la préférence des 65 ans et plus et les réponses se trouvent ventilées pour la scolarité. Comment expliquer que les journaux écrits aient encore la cote ? La raison tient dans la notoriété de certains critiques et l’importance qu’ils accordent à cette institution, l’exemple le plus probant étant Claude Gingras à La Presse (voir Trottier 2013, 64) – il est à noter que ce critique musical a pris sa retraite à la fin de l’année 2015. Ceci étant dit, les médias traditionnels se limitent au quart des réponses.

Dans une proposition écrasante, les festivaliers de Lanaudière à la base de l’enquête se rallient à plus de 65% aux contacts, à l’habitude et à la catégorie « Autre ». L’habitude tient au fait que le Festival est ancré dans un milieu régional où il rayonne depuis plus de 38 ans en 2015 : ceux qui habitent dans la région de Lanaudière ont évoqué l’habitude prise au fil du temps et la passion pour l’institution, ce qui témoigne d’une appartenance allant dans le sens de la sociologie de l’attachement (Hennion et al. 2000, 151-208) – c’est donc un public de fidèles qui revient année après année. Dans le cas de la catégorie « Autre », trois données sont ressorties comme prépondérantes dans l’enquête : 1) plusieurs festivaliers ont mentionné la brochure qu’ils reçoivent par la poste durant le mois de mai et qui est en fait le programme de la saison ; 2) une autre partie du public a insisté sur l’importance de l’infolettre, cette dernière étant transmise par courriel à travers une base de données dans laquelle se trouvent des milliers de festivaliers ; et 3) d’autres festivaliers, beaucoup moins nombreux ceux-là, ont mis en relief la réputation du lieu avec des concerts donnés en plein air. Quant au 17% de contacts, il s’agit à nouveau de la force des réseaux de relation dans le cadre d’une socialisation en amont de l’événement : sortie entre amis, en famille, l’idée étant de profiter d’« une bonne soirée ».

Par ailleurs, près de 10% des festivaliers ont mis en lumière Internet, tandis que moins de 3% ont fait allusion aux médias sociaux. Le 10% attribué à Internet doit toutefois être mis en corrélation avec l’infolettre et l’accès au site web du festival, ce qui a été souvent mentionné dans les commentaires. Fait intéressant, les festivaliers en bas de 55 ans ont plus souvent mentionné les contacts que les médias sociaux ou Internet. En effet, ces derniers accompagnaient souvent leurs parents ou participaient à une sortie entre amis ou en famille. De telle sorte que les plus jeunes festivaliers sondés au Festival de Lanaudière semblaient être présents à l’événement moins pour une raison de légitimité culturelle que pour la socialisation ou la découverte, fait qui est ressorti dans les motivations et les commentaires de fin de questionnaire. À l’autre bout du spectre, les plus âgés sont ceux qui ont le plus souvent nommé Internet et les médias sociaux. Quant au niveau de scolarité, il ne présente aucune tendance significative, à l’exception d’Internet qui a la faveur des festivaliers les plus instruits (baccalauréat et maîtrise).

On peut se questionner quant à l’importance que des institutions comme MNM et le Festival de Lanaudière accordent à la publicité qui tapisse les pages des médias traditionnels, en font foi les cahiers culturels des éditions du week-end de journaux comme Le Devoir et La Presse. Ce type d’information retient encore l’attention uniquement au Festival de Lanaudière, mais cela est loin d’être significatif si l’on se fie aux résultats de l’enquête. En revanche, les données cumulées quant aux moyens de communication font ressortir un mode spécifique de circulation de l’information, soit les habitudes et les réseaux de contacts. Il s’agit d’un vecteur essentiel pour les organismes dans le recrutement de public, soit une logique du bouche-à-oreille qui mise sur la réputation de l’institution et sur le pouvoir d’attraction qu’exerce l’événement par l’intermédiaire de ce que nous pourrions appeler le « public acquis », soit les fidèles de la première heure qui fréquentent ces deux festivals depuis des années. D’autant que les festivals rassemblent souvent un public de proximité en raison de leur ancrage territorial (Négrier et al. 2013, 103). Les contacts deviennent alors l’occasion d’élargir le public au-delà du bassin régional, situation qui est rendue possible par ce « public acquis » qui relaie l’information et qui se cache derrière les contacts évoqués. C’est donc dire que la connectivité passe aussi par une mise en relation des êtres entre eux lors de la sortie au concert. Cette façon de transmettre l’information sous forme de réseau met en relief le fonctionnement des mondes de l’art (Becker 1988, 27-63). Dans le même souffle, cela n’est pas sans rappeler l’image à la base de la théorie de l’acteur-réseau (ANT) (voir Latour 2006) : le passage de l’information en réseau suppose une forme d’association dont l’événement de concert est le vecteur.

Mais cela ne doit pas faire oublier que les médias sociaux et Internet ont été mentionnés dans une proportion importante chez les festivaliers sondés à MNM, indifféremment de l’âge et de la scolarité, et que les festivaliers sondés au Festival de Lanaudière qui sont plus âgés restent attachés à des modes plus traditionnels d’accès à l’information, par exemple les journaux. Les médias autant traditionnels que numériques exercent donc toujours une influence dans la sortie culturelle des festivaliers ayant participé aux deux enquêtes, à ceci près que cette logique verticale de la circulation de l’information par des médiations se trouve être concurrencée par une logique plus horizontale que suppose la mise en relation de l’information dans l’environnement quotidien par l’entremise des amis, de la famille, des institutions, etc. Cette logique horizontale vient-elle renforcer la légitimité d’une pratique culturelle comme la musique classique ou favorise-t-elle une ouverture/tolérance aux autres genres musicaux ? La réponse reste ouverte, bien qu’il ne faille pas perdre de vue le haut taux de diplomation dans les deux enquêtes et le fait que certaines données penchent, ou bien du côté de la légitimité (l’accès aux événements de MNM via le milieu de la musique chez les plus jeunes), ou bien du côté de l’ouverture (l’accès aux événements du Festival de Lanaudière via les contacts chez les plus jeunes).

Supports utilisés par les festivaliers
Si les festivaliers sondés choisissent de moins en moins les médias traditionnels pour s’informer sur la musique, qu’en est-il des supports utilisés dans les pratiques d’écoute, cette dernière occupant une place importante dans leur quotidien ?[17] Certains festivaliers ont donné deux réponses, d’autres une seule. À nouveau, les différences entre les deux festivals sont importantes et l’âge autant que le niveau d’études influencent les résultats selon le support qui est en jeu.

Tableau 5 : Festival MNM, édition 2015, enquête DPMQ

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Tableau 6 : Festival MNM, édition 2015, enquête DPMQ

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Les deux supports d’écoute privilégiés par les festivaliers de MNM à la base de l’enquête sont les pistes numériques ainsi que l’écoute sur support physique. Et d’une certaine façon, on peut se demander dans quelle mesure les répondants qui ont mentionné le support physique avaient aussi en tête le transfert du disque sur piste numérique. Car plusieurs festivaliers ont mentionné avoir en main plusieurs versions d’un même enregistrement pour y accéder à tout moment, ce qui inclut autant la matérialisation que la dématérialisation du disque (Couture et Duchesneau 2015, 24). Cette réalité va dans le sens des études qui tendent à montrer que « l’écoule musicale sur le web doit être considérée comme une pratique hybride, empruntant à la fois à l’écoute de la radio [et] à l’écoute personnalisée construite via le disque » (Leteinturier 2014, 165). Cette notion d’hybridité appliquée aux supports utilisés en contexte d’écoute musicale s’impose comme une donnée importante dans les résultats obtenus dans les deux enquêtes.

Si l’on jumelle les choix des pistes numériques et des services en ligne, l’on obtient 50,7% de pratique d’écoute par l’intermédiaire des supports dématérialisés chez les festivaliers sondés à MNM. Les 25-34 ans ont nommé dans une plus grande proportion les formats numériques, tandis que les 55 ans et plus ont davantage identifié les médiations matérielles comme le disque et la radio. Cette dernière a été mentionnée dans une proportion de 17,8% et se retrouve timidement dans les réponses des groupes d’âge en deçà de 55 ans. Les chaînes de télévision obtiennent un maigre 2,2% et sont mentionnées à deux reprises chez des moins de 24 ans. Par conséquent, dans une proportion importante, les festivaliers sondés à MNM écoutent la musique via l’Internet mais, à l’image de ce qui s’est implanté dans la tradition de la musique classique sous l’égide de musiciens comme Glenn Gould (voir Hennion 1993, 336-337), accordent aussi une importance à la relation privilégiée que met en scène le disque, cet « élément-pivot » (Hennion et al. 2000, 230) de la mélomanie dans la foulée de la discomorphose que le XXe siècle a connue.[18]

Le haut niveau de spécialisation de l’écoute est conforme à la diplomation élevée et à la formation musicale identifiée plus haut. Donc, nonobstant le peu de mentions accordées à la télévision, l’écoute musicale des festivaliers sondés va dans le sens d’une pratique hybride, les supports matériels pouvant côtoyer les supports dématérialisés. Comme les festivaliers pouvaient donner deux choix de réponses, on pourrait être porté à penser que cette hybridité est engendrée par la question elle-même. Or les réponses obtenues tout comme les discussions avec les festivaliers sondés ont plutôt montré que cette hybridité est bien réelle.

Tableau 7 : Festival de Lanaudière, édition 2015, enquête DPMQ

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Tableau 8 : Festival de Lanaudière, édition 2015, enquête DPMQ

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Chez les festivaliers de 65 ans et plus ayant participé à l’enquête, les choix de support se déclinent en importance de la radio aux services de musique en ligne, ces derniers étant mentionnés uniquement à cinq reprises. Il en va de même chez les groupes des 55-64 ans et des 45-54 ans. La faveur générale va donc à la radio et deux exemples ont été souvent mentionnés : Ici Musique et Radio-classique. Le cas d’ICI Musique détone dans la mesure où la musique classique y est diffusée dans des plages restreintes (les soirs de semaine et l’opéra le dimanche soir) et que la transformation en 2004 de la défunte Chaîne culturelle en Espace musique avait soulevé l’ire du milieu de la musique classique (voir Boivin 2006). Quant à Radio-classique, il s’agit d’une chaîne qui diffuse le grand répertoire de la musique classique de manière continue et dont les valeurs sont en continuité avec celles observées au Festival de Lanaudière : préférence pour le répertoire du « long XIXe siècle », importance accordée aux vedettes de la musique classique, etc.[19] En ce sens, on peut identifier ce qui semble être une contradiction : alors que moins de 5% des festivaliers sondés mentionnent la radio comme source d’information pour les concerts, celle-ci revient en force à 42% dans les supports d’écoute. Cela est d’autant plus étonnant que le Festival de Lanaudière publicise ces événements sur Radio-classique. Mais cette contradiction n’est qu’apparente puisque plusieurs festivaliers sondés connaissent déjà le festival et s’abreuvent aux sources mentionnées plus haut. Même chez les 35-44 ans à la base de l’enquête, la préférence va du côté de la radio et des supports physiques. La radio a toujours fait partie des pratiques d’écoute des mélomanes, bien qu’elle soit souvent minorée au profit du concert et du disque (voir Hennion et al. 2000, 227). C’est seulement chez les 18-24 ans que l’ordinateur s’impose dans les supports d’écoute, tandis que les résultats chez les 25-34 ans sont plutôt ventilés. Cela est d’autant plus significatif que les groupes d’âge les plus jeunes ne mentionnent guère la télévision, et un peu la radio à partir des 24-34 ans.Du côté du Festival de Lanaudière, la tendance qui se dégage des résultats obtenus va dans le sens inverse : la radio obtient plus de 42% des mentions, suivie par le disque avec 31%. En ce qui concerne ce dernier, sa présence confirme ce qui a été observé à MNM, soit l’image du mélomane comme collectionneur d’enregistrements reconnus et partagés au sein de la communauté de la musique classique (voir Hennion et al. 2000, 230-238). Tout ce qui se rapporte à Internet ne récolte ici qu’un maigre 14%, et est même devancé par les chaînes de télévision à 12%.

Le niveau d’études entre-t-il en ligne de compte au Festival de Lanaudière ? Cela s’avère vrai puisque moins les festivaliers sondés sont scolarisés, moins ils auront tendance à utiliser Internet pour écouter de la musique. Or les festivaliers les plus scolarisés sont ceux qui possèdent une maîtrise et un doctorat. Ce sont ceux qui ont complété des études collégiales et ont obtenu un baccalauréat qui optent davantage pour les pistes numériques et les services en ligne, bien que les préférences aillent encore une fois dans cet ordre : radio, supports physiques et chaînes de télévision. La plus grande différence avec MNM se voit du côté d’un média de masse comme la télévision. Alors que la télévision a obtenu un maigre 5% comme source d’information dans la section précédente, elle récolte 12% pour les supports d’écoute chez les festivaliers sondés de Lanaudière. L’arrivée de la chaîne Médicis.tv au Canada en 2015 peut-il expliquer la préférence pour ce support ? Ou est-ce l’effet des chaînes de musique en continu (par exemple Stingray) ? Les réponses obtenues ne permettent pas de le préciser.

Lorsque les deux enquêtes sont mises en parallèle, on semble à nouveau obtenir une situation en chassé-croisé où les médias numériques sont favorisés au détriment des médias traditionnels du côté de MNM, et les médias traditionnels au détriment des médias numériques du côté du Festival de Lanaudière. Comment expliquer cette réalité ? L’Enquête sur l’accès des ménages à Internet réalisée en 2012 peut fournir quelques éléments de réponse. Le fait que les médias numériques soient moins mentionnés par les festivaliers sondés au Festival de Lanaudière pourrait s’expliquer par cette réalité : « Le taux d’accès à Internet des plus âgées [sic] est significativement moindre que celui de l’ensemble des ménages, soit 70,3% chez celles de 45 à 54 ans, de 64,8% chez celles de 55 à 64 ans et de 41,0% chez celles de 65 ans et plus. » (2013, 21) Cette donnée serait donc fidèle à l’âge moyen obtenu dans les deux enquêtes : pour un âge moyen de 43 ans à MNM, les médias numériques sont représentés à 50%, tandis que pour un âge moyen de 64 ans au Festival de Lanaudière, ils sont représentés à 14%.

Est-ce que la fréquence d’écoute de la radio présenterait une tendance similaire selon l’âge ? Dans l’enquête sur les pratiques culturelles au Québec réalisée en 2009, la radio ne suit pas une même tendance selon les groupes d’âge : ce sont les 35-44 ans qui mentionnent l’écouter le plus souvent dans une proportion de 69,8%, suivis des 45-54 ans à 66,5%. De tels chiffres laissent entrevoir l’importance de la radio dans le quotidien de la population active, par exemple dans la voiture et au travail – les 65 ans et plus affirment l’écouter souvent dans une proportion de 56%, puis quelques fois dans une proportion de 18,3% (Garon et al. 2011, 107). Le taux élevé de réponses obtenues pour l’écoute de la radio chez les personnes plus âgées des deux festivals semble accuser de légères différences avec les résultats obtenus à l’échelle provinciale, même si les chiffres peuvent être difficilement rapprochés étant donné la nature de la question posée dans l’enquête de 2009 sur les pratiques culturelles selon les groupes sociaux. Néanmoins, les échantillons obtenus auprès des festivaliers sondés au Festival de Lanaudière et à MNM laissent à penser que l’écoute de la radio est incluse dans les loisirs quotidiens eu égard à la forte présence de la musique dans la vie de tous les jours, comme il a été mentionné plus haut.

De même, si la pratique d’écoute via Internet est peu présente dans la vie des festivaliers sondés au Festival de Lanaudière, peut-on en conclure pour autant qu’ils ne sont pas connectés ? Cela s’avère invraisemblable puisque plusieurs festivaliers ont mentionné recevoir l’infolettre par courriel et consulter le site web du festival. Parmi ceux-ci, la grande majorité était âgée de 55 ans et plus, donc à l’image de la moyenne d’âge qu’on retrouve dans ce festival. Ce qui semble être une contradiction en apparence renvoie plutôt à la façon dont se déploient les variables de l’âge et de la scolarité selon l’interprétation des résultats et la pratique concernée. Dans le cas précis de l’accès à Internet chez les festivaliers ayant participé à l’enquête au Festival de Lanaudière, la scolarité vient supplanter dans une certaine mesure la variable de l’âge – il a été souligné plus haut que les plus âgés sont ceux qui ont le plus souvent nommé Internet et les médias sociaux. C’est du moins l’interprétation que l’on peut donner aux résultats obtenus dans la foulée de l’Enquête sur l’accès des ménages à Internet : « Plus le niveau de scolarité atteint dans un ménage est élevé, plus ce ménage est susceptible d’être branché à Internet. Le taux de branchement à Internet des ménages dont aucun des membres n’a de diplôme est de 44,1% » (2013, 22). Autrement dit, si les festivaliers sondés incluent très peu Internet dans leur pratique d’écoute, ils n’en sont pas moins branchés et restent en lien avec l’institution par l’intermédiaire de l’infolettre et du site web. Alors que la variable de l’âge s’impose comme le facteur prépondérant au regard des supports utilisés pour l’écoute musicale chez les festivaliers sondés autant à MNM qu’au Festival de Lanaudière, par exemple dans le choix des supports dématérialisés ou dans le choix de la radio, la scolarité ne peut pour autant être balayée du revers de la main : elle favorise la spécialisation de l’écoute discutée plus haut et montre que les festivaliers les plus âgés sondés au Festival de Lanaudière, sans avoir fait de l’écoute sur support dématérialisé une pratique significative, n’en restent pas moins en contact avec l’institution par l’intermédiaire d’Internet.

Conclusion
Deux formes de médiation ont été privilégiées pour l’écoute de la musique classique au cours du XXe siècle : le concert comme vecteur de la performance selon un rituel misant sur l’écoute attentive (Small 1998, 95-96) et le disque comme captation d’une performance singulière où l’artiste porte son travail à un ultime accomplissement (Hennion 1993, 336-337). L’attachement des publics de la musique classique à ces deux médiations s’observe toujours de manière aussi significative, comme le montrent les résultats des deux enquêtes à la base de cet article. Les prochaines années seront donc déterminantes pour voir si les jeunes amateurs de musique classique modifieront les supports qu’ils utilisent dans l’accès et l’écoute à la musique. Tout ce qui se rapporte à Internet ou à la numérisation de la musique apparaît dans ce contexte comme complémentaire à une pratique de l’écoute musicale axée sur le disque au niveau individuel, et sur le concert au niveau collectif. C’est pourquoi la notion d’hybridité liée à la pratique de l’écoute musicale est importante, en ce qu’elle montre comment les festivaliers sondés accordent toujours une grande importance aux supports physiques dans leur accès à la musique sans négliger pour autant les nouvelles possibilités qui s’offrent à eux. Si d’un côté les festivaliers sondés se laissent plus influencés par les habitudes, les contacts et les médias moins traditionnels pour le choix des concerts, d’un autre côté leur écoute musicale s’ancre dans des habitudes où prime une pratique hybride, soit le disque et les supports dématérialisés dans le cas de MNM, et le disque et la radio dans le cas du Festival de Lanaudière.

Par ailleurs, l’enjeu reste entier pour ces deux festivals quant au virage numérique qu’ils doivent entreprendre ou non pour fidéliser leur public et en développer un nouveau. D’un côté, étant donné l’âge des festivaliers et les pratiques d’écoute, un virage numérique pourrait n’être qu’une option parmi tant d’autres dans une réalité plurielle où l’ouverture/tolérance aux autres genres musicaux devient un frein pour fidéliser un public musical qui ne jure que par la musique classique. D’un autre côté, le public plus jeune sera le public de demain et le virage numérique se présente comme un passage obligé. Des initiatives comme la zone audio disponible sur le site web du Festival de Lanaudière (il s’agit d’extraits audio de concert présentés lors des saisons passées) pourraient devenir des outils à la fois de fidélisation et de promotion, pouvant rejoindre autant les jeunes que les plus âgés en fonction de la place accordée à Internet dans la vie des festivaliers sondés.[20] Seules les enquêtes réalisées dans quelques années pourront mesurer l’effet réel de ces initiatives et l’écart qui pourrait se creuser par rapport à des pratiques d’écoute éloignées du concert et du disque. De même, de telles enquêtes pourront mesurer si des variables comme l’âge et la scolarité s’imposent toujours comme incontournables dans l’accès à et l’écoute de la musique classique. Pour l’heure, de telles initiatives sur Internet contribuent à accroître la circulation du contenu de ces institutions et favorisent une interaction au-delà de l’ancrage territorial et de la courte saison dans laquelle se déploie leur programmation, ce qui reste l’un des grands défis des festivals pour élargir leur public dans une offre culturelle passablement abondante au Québec comme ailleurs.

 

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Danick Trottier est professeur de musicologie au Département de musique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est diplômé de l’Université de Montréal en collaboration avec l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) de Paris. En 2010, il a finalisé un stage postdoctoral de deux ans à l’université Harvard. Ses recherches, qui s’inscrivent à la fois en sociomusicologie, en histoire et en esthétique, portent sur les musiques des XXe et XXIe siècles. Trottier est aussi cochercheur dans le cadre du projet sur le Développement des publics de la musique au Québec (DPMQ) de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM). De 2011 à 2013, il a codirigé l’équipe de sociomusicologie de l’OICRM et a participé au comité de rédaction de La Revue musicale OICRM. Il a publié des articles dans des revues comme Argument, Circuit, Dissonance, Filigrane, Intersections, Les Cahiers Debussy, Perspectives of New Music, Speculum Musicae et Volume ! La revue des musiques populaires.

Abstract
The results at the basis of the article come from the data obtained in the inquiry conducted by the group of research on the Development of Music Audiences in Quebec (DMAQ). Two inquiries have been accomplished during 2015: at the 7th edition of Festival MNM from February 26 to March 7, and at the 38th edition of Festival de Lanaudière from July 4 to August 2. Through a scientific questionnaire, the public gave a couple of information on his listening habits and his musical tastes. The article sheds light on the stakes linked to the network of the public of both organizations, with a scrutinize look on the media source in the choice of the concerts and on the mediums at the basis of the individual relation to music. The responses obtained are analysed through two rates that are used in cultural studies to distinguish social groups, namely the age and the education.

Keywords: festival, classical music, public, media, medium

Notes

[1] Un site web est consacré au projet et on peut y retrouver moult informations : http://dpmq.oicrm.org/ .

[2] Pour en connaître davantage sur les enjeux d’une telle recherche et sur les défis que suppose le travail scientifique avec des partenaires institutionnels aux préoccupations organisationnelles spécifiques, voire l’article écrit par Marcoux-Gendron et al. (2014).

[3] Le coordonnateur de l’équipe de terrain au Festival de Lanaudière est l’auteur du présent article ; il a également signé le rapport scientifique (2016) qui a découlé de l’enquête réalisée à l’été 2015. Quant à la coordonnatrice de l’équipe de terrain à MNM, il s’agit d’Ariane Couture ; le rapport scientifique (2015) qui a découlé de ce terrain a été corédigé par Ariane Couture et Michel Duchesneau.

[4] Le questionnaire utilisé pour les deux enquêtes (à quelques différences près selon les questions ajoutées par les organismes) peut être validé en ligne : http://dpmq.oicrm.org/dpmq-enquete/ . Un certificat d’éthique a été délivré par le Comité plurifacultaire d’éthique de la recherche (CPÉR) de l’Université de Montréal pour effectuer les enquêtes. Il est à noter qu’une personne sondée pouvait toujours s’abstenir de répondre à une question, ce qui est parfois arrivé.

[5] Les questions ont été élaborées en tenant compte des statistiques cumulées par l’Observatoire de la culture et des communications du Québec de manière à établir des points de comparaison.

[6] Pour en connaître davantage sur le fonctionnement du Festival de Lanaudière, voir Trottier (2013, 59-61 ; 2016).

[7] Pour en connaître davantage sur le fonctionnement de MNM, voir Marcoux-Gendron et al. (2014, 89-91) et Couture et Duchesneau (2015).

[8] Pour un tour d’horizon des réalités organisationnelles, financières et autres des festivals de musique au Québec, voir Claudine Audet et Diane Saint-Pierre (2013, 252-262).

[9] Les festivaliers sondés devaient mentionner le ou les moyens de communication leur ayant permis de connaître l’événement auquel ils assistaient, ce qui explique le nombre élevé de réponses – voir les choix possibles dans les tableaux à venir.

[10] Les festivaliers sondés devaient mentionner deux choix de support pour l’écoute de la musique – voir les choix possibles dans les tableaux à venir.

[11] Il faut préciser qu’à certains endroits, le questionnaire comportait une approche plus qualitative : la personne sondée pouvait alors préciser ses choix (par exemple pour la question portant sur la mise en relation avec l’événement) ou devait développer une réponse (par exemple pour la question portant sur la motivation par rapport à l’événement).

[12] Les données obtenues lors des deux enquêtes ont été traitées avec le logiciel SPSS de manière à fournir des résultats statistiques. Le traitement des données et la réalisation des tableaux qui apparaissent plus bas ont été effectués par Maëlle Dumont, que l’auteur du présent article tient chaleureusement à remercier.

[13] Selon les données que nous avons pour la population québécoise âgée de 24 à 65 ans, l’enquête sur la population active réalisée en 2012 révèle que 18,1% des Québécois possèdent un baccalauréat, 3,5% un certificat universitaire et 7,8% un diplôme de 2e ou 3e cycles (Gauthier 2014, 2). Les résultats obtenus dans les deux enquêtes donnent un taux de diplomation beaucoup plus élevé que celui de la population active au Québec en 2012.

[14] L’idée d’identifier les préférences musicales en termes de genres musicaux n’est pas sans poser plusieurs problèmes : qu’entend-on exactement par pop, par chanson, par variétés, etc. ? L’usage des genres, entre autres pour les musiques populaires, n’est pas sans poser plusieurs problèmes par rapport à la délimitation de l’objet musical (Shuker 2013, 95-97). Les réponses ont été enregistrées selon ce qu’indiquait la personne sondée, puis comptabilisées à la lumière des systèmes de classification qu’on retrouve dans les enquêtes provinciales et nationales sur les pratiques culturelles. Ces systèmes de classification sont toujours réducteurs et posent de nombreux défis dans l’interprétation des données, de sorte que les résultats présentés ici doivent être interprétés avec prudence.

[15] Comme le lecteur le constatera, les tableaux présentés dans le présent article font état des données en fonction des mentions obtenues, ce qui permet de combiner question et variable d’âge ou de scolarité. En revanche, l’analyse proposée s’appuie sur les résultats statistiques générés par le logiciel SPSS.

[16] L’étude n’a pas cherché à mettre en corrélation les réponses obtenues lors des deux enquêtes avec les médias mobilisés par les deux institutions dans le contexte de leur campagne publicitaire. Néanmoins, quelques informations peuvent être mises en perspective par rapport aux médias visés par les deux institutions. Pour MNM, la campagne publicitaire passe en général par une affiche publicitaire dans les lieux publics et par des publicités dans des journaux au public plus scolarisé ou plus branché, par exemple Le Devoir et l’ancienne édition du journal Voir. Le Festival de Lanaudière vise aussi les journaux écrits, mais principalement La Presse et Le Devoir. Cette institution accorde aussi une grande importance à la publicité radiophonique, entre autres à Radio-classique. Dû au contexte régional dans lequel il se déploie, le Festival de Lanaudière place également des publicités dans les journaux locaux de la région de Lanaudière, entre autres le journal L’Action de Joliette du groupe Médias Transcontinental. Enfin, si les deux institutions n’ont pas l’habitude de proposer de publicité télévisuelle, elles n’en sont pas moins présentes dans la couverture médiatique qu’offrent des chaînes de télévision comme Ici Radio-Canada télé et TVA lorsque vient le temps de lancer de saison et d’inviter le directeur artistique.

[17] À la question portant sur la fréquence d’écoute de la musique, dans une proportion de 91,3% les festivaliers de MNM ont répondu écouter de la musique tous les jours, alors que les festivaliers de Lanaudière ont donné la même réponse dans une proportion de 87,8%. Ces chiffres montrent un fort engagement dans la pratique de l’écoute musicale.

[18] Il est important de préciser que la musique contemporaine, genre auquel se consacre principalement MNM, n’est plus présente à la radio, du moins dans une émission qui lui serait entièrement consacrée. Ce déclin de la présence de la musique contemporaine à la radio s’est accentué dans le passage de la Chaîne culturelle à Espace musique en 2004 (Boivin 2006), Radio-Canada étant le seul média à accorder un espace important à cette musique avant 2004. Ceci peut donc expliquer pourquoi les festivaliers sondés à MNM ont tendance à privilégier l’Internet et le disque plutôt qu’un média traditionnel comme la radio. Cela étant dit, il a été précisé plus haut que les festivaliers ayant répondu au questionnaire ont montré un éclectisme dans leurs préférences musicales, et que cet éclectisme met en présence des genres (jazz, blues, rock et punk) largement programmés par les chaînes de radio disponibles dans la grande région de Montréal. Autrement dit, l’absence de musique contemporaine à la radio est une cause parmi d’autres de l’éloignement observé par rapport à l’écoute radiophonique dans l’enquête menée à MNM.

[19] Il est important de préciser que le visage de Radio-Classique s’est quelque peu modifié au cours des deux dernières années. En effet, Gregory Charles a acheté de Jean-Pierre Coallier les deux postes de Radio-classique, soit le 99,5 CJPX-FM (Montréal) et le 92,7 CJSQ-FM (Québec). Depuis 2015, la programmation s’est élargie au répertoire de la chanson française et de la chanson québécoise, avec comme justification l’idée de « classique » (par ex. Brassens pour la chanson française et Leclerc pour la chanson québécoise). Par conséquent, la musique dite classique (symphonie, musique de chambre, opéra, etc.) n’est plus la seule à être diffusée sur Radio-classique.

[20] La zone audio a été mise en service le 19 novembre 2015 : http://lanaudiere.org/fr/zone-audio/ .