Fantasia 2015: Raiders!: The Story of the Greatest Fan Film Ever Made – critique/review

raidersdoco1

Je m’égare du volet japonais et coréen pour vous proposer une critique du documentaire Raiders! : The Story of the Greatest Fan Film Ever Made. Ce documentaire fera sourire le fan nostalgique d’Indiana Jones que vous êtes et vous engagera à pieds joints dans cette quête qu’est celle des adolescents rendus adultes Chris Strombolos et Eric Zala. En 1982, et marqués [à vie] par la projection d’un certain film d’aventure, les adolescents alors âgés de 12 ans décident de refaire plan par plan le classique de Spielberg Raiders of the Lost Ark. Avec les moyens du bord, ils tournèrent leur projet sur vidéo et sur une période de 7 ans. Les voir vieillir à l’écran de manière non chronologique est surréaliste (take that Boyhood!!). Au-delà des anecdotes liées au tournage du fanfilm, Raiders! est un documentaire sur l’amitié et l’accomplissement de soi. Le public de Fantasia fut charmé et amusé par le récit raconté habilement par les documentaristes Jeremy Coon et Tim Skousen. Parsemé de quelques commentaires au ton pastoral risible donnés par l’acteur John Rhys-Davies (celui qui joue Sallah), qui détonne par moment, le film alterne avec aisance entre le récit de cette aventure de jeunesse illustrée par des extraits et des « bloopers » VHS, des entrevues avec les parents et les autres membres de l’équipe, et les réalisateurs rendus adultes qui tournent la scène manquante de leur film. Il s’agit de la scène où Indiana Jones se bat à mains nues contre l’Allemand chauve aux muscles saillants (pour ajouter à la difficulté, la scène se passe près d’un avion en mouvement sur le point d’exploser d’une minute à l’autre). Le choix de suivre Chris et Eric, quarantenaires, dans leur quête pour compléter un projet de jeunesse est extrêmement porteur de sens dramatiquement, et très fécond d’un point de vue émotionnel à la fois pour eux et pour les spectateurs, impatients de voir leurs efforts porter fruit après toutes ces années. L’entreprise n’est pas dépourvue d’obstacles. Entre les journées de pluie interrompant constamment le tournage, la pression que subit Chris par ses patrons pour qu’il revienne au travail et les conflits internes, il y a de la matière pour raconter une bonne histoire. Heureusement, nos protagonistes ont la chance de bénéficier d’un appui inconditionnel venant des amis et de la famille. L’intérêt de la communauté geek (comme Elie Roth, Chris Gore et le caricatural Harry Knowles) et du cinéaste Spielberg lui-même à l’endroit de leur fanfilm n’est certainement pas étranger au désir tardif des réalisateurs de tourner une page importante de leur jeunesse en voulant compléter leur film.

Raiders-Adaptation

Le documentaire Raiders! est une première dans l’histoire du fanfilm. C’est effectivement la première fois qu’un documentaire rend compte de la production d’un seul fanfilm. En effet, le documentaire Backyard Blockbuster : Adventures in Fan Filmmaking (John E. Hudgens), qui n’a jamais été distribué, mais dont on peut visionner les 12 premières minutes en ligne, fait un état de la situation en brossant un tableau général des réalisateurs qui se sont frottés aux fanfilms, le tout commenté par des critiques et des universitaires qui s’intéressent à la question, comme Henry Jenkins, Chris Gore et Clive Young. Ce dernier est l’auteur de Homemade Hollywood : Fans Behind the Camera (2008), l’ouvrage le plus complet à ce jour à traiter spécifiquement du fanfilm d’un point de vue historique. Dans le documentaire Backyard, Young est également interrogé pour définir ce qu’est exactement un fanfilm. Il s’agit d’une production « amateur ou semi-professionnelle non autorisée basée sur des personnages et des situations venant de la culture populaire, réalisée à des fins de visionnement non commercial ». Les fanfilms que l’on retrouve sur Internet sont, pour la majorité, tolérés par les producteurs à cet égard. Par ailleurs, les fanfilms de nature parodique sont protégées sous le fair Use Act aux États-Unis. L’histoire du fanfilm fait remonter les premières créations dans les années 20 (Anderson’s Our gang [1926]). Or, la compilation de tous les fanfilms qui ont sûrement dû être réalisés avant l’ère d’Internet est pratiquement impossible! Cependant, certains commencent à faire surface sur Youtube (Jaws, Alien, Space 1999 [un rare fanfilm québécois datant des années 70], aussi les fanfilms de Don Glut). Le premier fanfilm à avoir été massivement téléchargé sur le web est TROOPS de Kevin Rubio, en 1997. Il s’agit de l’un des plus célèbres fanfilms de Star Wars de l’ère moderne avec George Lucas in Love (1999, Joe Nussbaum). Les fans reconnaissent généralement Hardware Wars comme l’ancêtre des fanfilms de Star Wars, réalisé par Ernie Fosselius à peine une année après la sortie de l’épisode IV.

Hardware-Wars_3248462b

Hardware Wars (1978)

Pour réaliser un fanfilm, il faut être entièrement dévoué au matériel source ! À cet effet, le documentaire Raiders! est le témoin d’une preuve d’amour indéfectible pour un film, à un moment de l’histoire américaine où les divorces se comptaient par millions. Ce climat social provoqua très certainement chez nos jeunes protagonistes la motivation nécessaire requise pour s’investir corps et âme dans cette aventure rocambolesque, à l’abri des soucis domestiques. En entrevue, Chris explique qu’ils étaient aussi et probablement à la recherche d’un modèle masculin stable qu’était Indiana Jones à leurs yeux. Allez savoir, mais la réflexion est intéressante, qu’on pense au film E.T. qui sortit à la même époque et dans lequel le jeune Elliot souffre de l’absence du père, un film qui marqua toute une génération d’enfants de parents divorcés (moi le premier).

Si vous êtes un fan d’Indiana Jones, ce documentaire est vraiment pour vous. C’est garantie, vous sortirez de la salle nostalgique et le coeur léger, le sourire aux lèvres et l’envie certaine de vouloir revoir Raiders of the Lost Ark!

Le film est présenté de nouveau le 22 juillet à 13h, salle J.A. De Sève