Fantasia – 11/25 THE DAY MISHIMA CHOSE HIS OWN FATE (Kôji Wakamatsu, 2012)

(Originalement publié le 26 juillet 2012 sur la page Facebook de kinephanos.ca)

Clairement, ce film tombe à point nommé au Québec, alors que la crise étudiante est en phase latente durant la saison estivale. Le film de Wakamatsu (Untited Red Army, Caterpillar) lance un message politique fort, mais aussi un constat très cynique et cinglant qu’il exprime à travers le personnage central de Yukio Mishima, un auteur japonais célèbre de l’époque. Un message qui s’adresse aux protestataires et révolutionnaires, qu’ils soient de gauche ou de droite. Un film d’idées, qui évoque dans mon esprit la question suivante : qu’est-ce que cela implique que d’être nationaliste? Dans le monde entier, le passage des années 60 à 70 en ait un de turbulence sociale : Mai 68, la crise d’octobre au Québec, la guerre du Vietnam, … Alors, comment arrive-t-on à concilier, ou même réconcilier dans le cas du Japon, les valeurs de la droite et de la gauche politique, assurer sans heurts ni conflits le passage intergénérationnel des valeurs qui définissent le « zeitgeist » d’une nation au passé ultranationaliste, et cela, sans mettre en péril l’identité fragilisée d’un pays sous le joug idéologique des Américains (après la 2e guerre il y a le Traité de San Francisco signé en 1951, le Japon doit renoncer à sa puissance militaire pour ne former qu’une force d’autodéfense – pratiquement à la solde des Américains)? Le film de Wakamatsu tente de comprendre les raisons qui auraient poussé Yukio Mishima à commettre le seppuku (hara-kiri) après un coup d’État manqué, qui visait essentiellement à restaurer le pouvoir moral, idéologique et politique de l’Empereur. Nous sommes en 1970. Difficile par contre, pour le spectateur non initié aux nombreuses problématiques identitaires liées à l’histoire du Japon, de saisir comment cet auteur avant-gardiste décida d’adopter des valeurs conservatrices et de droite, et de tourner le dos à la lutte étudiante en refusant les méthodes protestataires du mouvement de gauche, pour lui synonyme de chaos. 25 ans après la fin de la 2e guerre, les Américains et le Japon s’apprêtent à renouveler le traité de non-militarisation. Le pays du soleil levant vit alors une crise sociale qui touche le tissu identitaire de la nouvelle génération, qui refuse le renouvellement du traité. Le film de Wakamatsu est un film d’idées, cinématographiquement sobre, trop à mon goût, qui use de certains trucs de montage, vers la fin uniquement (!), qui aurait fait jouir Eisenstein. Le répertoire musical est également très limité et son usage est parfois très discutable. Le scénario est touffu, riche, sans être compliqué, mais sans éclat. L’utilisation d’images d’archives nous aide à situer historiquement l’état d’esprit contestataire qui régnait à l’époque. Malgré un traitement cinématographique aux frontières incertaines qui pourrait faire le sujet d’une plus longue conversation, le film continuera de faire son chemin dans votre esprit, tant le cynisme de la fin est brutal. À voir absolument!