Fantasia 2017 – Japanese Girls Never Die, de Daigo Matsui

Premier film japonais qui se démarque au festival cette année, le délicieux JAPANESE GIRLS NEVER DIE, du réalisateur acclamé et toujours attendu Daigo Matsui (Sweetpool Side et Afro Tanaka) brosse un tableau peu reluisant et acerbe sur les relations homme femme au Japon. Avec douceur, mais aplomb, avec suffisamment de cynisme pour faire sourciller, ce drame de moeurs atteint la cible de plein fouet dans un récit à la narration peu convenue et inventive, où la jeunesse tente de se libérer des modèles traditionnels perpétués par la génération d’après-guerre.

Haruko, âgée dans la fin vingtaine, n’est toujours pas mariée et est la cible de remarques peu subtiles de la part de ses patrons à ce sujet. Ces derniers infantilisent leurs collègues féminines avec un plaisir également peu subtil, comme c’est souvent le cas en milieu de travail au Japon. Or, nous suivons aussi en parallèle trois jeunes dans la vingtaine qui s’adonnent au graffiti dans les rues. L’une de leurs « oeuvres » qui devient virale est le graffiti affichant « Haruko – MISSING » avec le portrait de la jeune protagoniste. Or, nous continuons de la suivre, elle, Haruko, qui essaie tant bien que mal de se faire remarquer par l’énigmatique garçon habitant en face de chez elle. Et on attend le moment où les récits se croiseront… L’ironie, c’est qu’Haruko est portée disparue dès l’introduction, du moins cela est fortement suggérée. Sa disparition est marquée, en quelque sorte, avec des rappels visuels en conclusion, comme une syntaxe bien calculée pour fermer une boucle qui ne sera jamais complètement bouclée. Le coeur du scénario se trouve bien là, car pour continuer d’être vues, les femmes doivent constamment se battre non pas pour gravir les échelons, mais pour garder leur statut socialement sclérosé par la tradition. Même présente, la femme japonaise s’efface. Or, dans le film de Matsui, si l’une se jète dans les bras du premier venu, qu’Haruko tente de remédier à son célibat plus discrètement, que même les jeunes « graffitistes » masculins espèrent être reconnus pour leur art de rue – la preuve que même la jeunesse masculine a perdu ses repères (« Je veux être quelqu’un! » Crie l’un deux), un groupe de jeunes écolières sème la zizanie dans la ville, attaquant violemment n’importe quel homme se promenant seul la nuit! Un simple retour du balancier profondément cathartique, pour rappeler aux hommes qu’elles en ont marre.

Le film de Matsui utilise une structure narrative particulièrement intéressante, non linéaire, naviguant entre des scènes, des moments fugitifs, qui n’ont d’encrage que leurs protagonistes et leurs quêtes. Énergique et porté par une trame sonore colorée et des personnages sympathiques, la conclusion est remplie d’espoir et fait du bien, même si elle soulève plus de questions que de réponses. Mais c’est bien là où le cinéma japonais excelle. À voir.