Fantasia 2017 – Cold Hell, de Stefan Ruzowitzky

Özge Dogruol est une chauffeure de taxi d’origine turque, vivant en Autriche. Un soir qu’elle rentre chez elle, elle est témoin du meurtre de sa voisine. Contrainte de jouer au chat et à la souris avec le tueur, lequel est un fanatique musulman dont les meurtres font référence au Coran, la taciturne et combative jeune femme doit se débrouiller seule, la police étant complètement dépassée par le cas. Ce n’est pas bien grave, Özge est une pro de la boxe thaï et elle cogne dur.

 

Le réalisateur autrichien Stefan Ruzowitzky avait obtenu la consécration en 2008 avec le film Les Faussaires, lequel s’était mérité l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Il signe ici une mise en scène particulièrement dynamique, rehaussée par une direction photo à mi-chemin entre les éclairages oniriques d’un Mario Bava et l’imagerie glauque d’un David Fincher. Le film bénéficie également d’un sous-texte féministe particulièrement fort, qui l’élève au-dessus du simple thriller. Le personnage d’Özge est en quelque sorte coincé entre deux mondes: le monde occidental, froid et individualiste, et le monde musulman, écrasé sous le poids des interdits et parfois traversé de relents d’intégrisme, ces deux mondes étant du coup renvoyés dos à dos dans leur commune indifférence au sort des femmes en détresse. Le film évite néanmoins tout mélodrame, puisqu’Özge refusera tout du long de se comporter en victime, et tiendra tête au tueur. Ce faisant, le monde autour d’elle s’en trouvera transformé petit à petit, transformation particulièrement visible dans le cas du personnage de l’inspecteur Steiner: d’abord arrogant et aux limites de la caricature, il s’avérera beaucoup plus nuancé et attachant au fur et à mesure que l’intrigue progressera.

 

Audacieux mélange de genres, sans temps morts et servi par un casting extrêmement charismatique, Cold Hell se trouve à être un film qui, paradoxalement, fait beaucoup de bien à l’âme, en dépit de la noirceur et de la violence inhérente à son traitement. Espérons qu’il parviendra à imprimer sa marque.