Critique – Baby Driver, d’Edgar Wright

Edgar Wright s’est fait connaître au courant des années 2000 avec ce que certains ont nommé la « Blood and Ice Cream Trilogy », trois films parodiques mettant en vedette le duo d’acteurs britanniques Simon Pegg et Nick Frost, à savoir Shaun of the Dead (2004), Hot Fuzz (2007) et The World’s End (2013), ainsi qu’avec son adaptation du comic book Scott Pilgrim vs the World (2010). Explorant des genres très typés (film de zombie, enquête policière, science-fiction), ces différents films sont liés par leur humour british inimitable, leur imagerie colorée et leur réalisation extrêmement dynamique. Baby Driver, film de gangsters qui est presque une version déjantée du Drive (2011) de Nicolas Winding Refn, recyclera les mêmes caractéristiques, en les enrichissant d’éléments nouveaux.

Le principal élément en question à s’ajouter, c’est la musique. Non pas qu’elle était absente des œuvres précédentes de Wright, mais ici elle se trouve au cœur du propos : le protagoniste du film, Baby, est un as du volant qui aide les équipes de malfrats recrutés par un caïd nommé Doc (envers qui Baby a une lourde dette) à échapper aux poursuites policières suite à des braquages. Traumatisé par la mort violente de ses parents, Baby parvient à juguler ses démons intérieurs en écoutant constamment de la musique sur son Ipod : loin d’être un simple exutoire, cette trame sonore s’imprime sur sa réalité jusqu’à s’y fondre complètement. Baby Driver se veut une sorte de comédie musicale autoréflexive, le sentiment d’évasion totale associée traditionnellement au genre étant ainsi montré explicitement pour ce qu’il est : sans sa musique, Baby s’effondre et ne peut plus faire face au réel. Cherchant à coller au genre tout en s’en amusant et en y injectant du sang neuf, Edgar Wright impose une mise en scène particulièrement rythmée et chargée de détails, où les longs travellings parfaitement maîtrisés trouvent leur contrepoint dans diverses scènes de courses-poursuites montées fiévreusement.

Mais ce qui fait la réelle force du film (et du cinéma d’Edgar Wright par la même occasion), c’est sa capacité à rendre ses personnages extrêmement sympathiques. Le personnage de Baby, presqu’autiste accroc à ses trames sonores mais doté d’habiletés surhumaines, orphelin et amoureux timide d’une jolie serveuse de casse-croûte, aurait pu n’être qu’une caricature sur deux jambes. Et pourtant, on se prend d’une grande affection pour lui, car l’attachement qu’il éprouve pour ses semblables, attachement très marqué pour son père adoptif, un vieillard sourd, et plus ambigu pour le truand Doc (interprété par le toujours excellent Kevin Spacey), concoure à le rendre profondément touchant et humain.

Ce que Baby Driver perd en humour par rapport aux réalisations précédentes de Wright (les gags y sont moins nombreux et d’un genre moins singulier que dans Shaun of the Dead, par exemple), il le gagne donc en émotion et en originalité formelle. Cela en fait un divertissement d’une très grande qualité, qui s’ajoute à une filmographie déjà impressionnante.