Critique: The Handmaiden, de Park Chan-wook

thehandmaidenbannerLa sexualité a toujours eu une grande place dans la filmographie de Park Chan-wook, autant dans les intrigues que dans les thèmes (Oldboy, Thirst, Stoker, Lady Vengeance). Puisque le réalisateur a toujours eu un intérêt pour le rôle des rapports sexuels dans les relations interpersonnelles – saines ou malsaines – il était donc logique qu’il en arrive finalement au thriller érotique avec The Handmaiden, un de ses films les plus ambitieux, réussi et aguichant en carrière.

Se déroulant en Corée sous l’occupation japonaise, le scénario mélange plusieurs niveaux de rapports humains qui créent une vaste tapisserie de dynamique de pouvoirs. Sook-Hee se fait engager pour être la femme de chambre de Lady Hideko, une riche dame qui vit emprisonnée dans un énorme manoir. Sook-Hee est en mission pour le Comte Fujiwara, un escroc qui ambitionne de séduire et d’épouser l’aristocrate, afin d’avoir accès à sa fortune et la faire enfermer à l’asile. Le film s’offre comme un triptyque, divisé en trois chapitres, chacun remettant constamment en question la répartition des pouvoirs. Comme l’ensemble de l’œuvre du réalisateur, l’intrigue change de cap avec chaque révélation, sans crier gare, nous forçant à reconsidérer notre position devant chaque nouvelle situation. Les personnages s’adonnent au jeu de manipulations typique chez Park, où quelqu’un a généralement un agenda élaboré pour mener l’autre en bateau (Oldboy).

Il est presque étonnant de constater, lorsqu’on y porte attention, à quel point le cinéma de Park Chan-Wook est féministe et romantique. Dans ce sens, The Handmaiden est le plus féministe et romantique de tous! D’une part, les femmes qui souffrent dans ses films sont souvent victimes des pulsions destructrices masculines (Oldboy, Sympathy for Mr. Vengeance) et, d’autre part, les hommes manipulateurs qui utilisent leurs positions de pouvoir pour manier les femmes comme ils le voudraient sont punis (Stoker, Lady Vengeance) lorsqu’ils ne sont pas occupés à s’autodétruire (Oldboy, Sympathy). La seule personne qui sort moralement « indemne » de sa trilogie de la vengeance est la protagoniste de Lady Vengeance, qui a mis de côté ses motivations égocentriques pour offrir aussi satisfaction à des étrangers qui ont souffert comme elle. Par ailleurs, ses films se concluent souvent pour le mieux, une notion assez romantique en soi. Sans entrer dans les révélations du second et dernier tiers du film, The Handmaiden s’ajuste, d’une façon ou d’une autre, à la majorité de ses fils conducteurs.

Avec une maitrise de son image plus prononcée d’un film à l’autre, il est logique que son plus récent soit le plus abouti. À l’instar d’un Hitchcock ou d’un Fincher, il n’y a pas un élément inutile et une ligne de dialogue de perdus. Ultimement, notre expérience de l’intrigue est comparable à celle des personnages, qui subissent les manipulations de leurs contre-parties comme nous subissons les manipulations de Park. Cette maitrise n’étouffe pas pour autant le film, dont le montage bouge avec énormément d’énergie et dont la tension sexuelle est maintenue jusque dans les contacts les plus anodins.

Avec une unique scène de masturbation, Stoker est pourtant un film à la sexualité omniprésente. Avec son utilisation parfaite des rapports entre les personnages, des silences, des regards et des effets sonores précis, il crée une atmosphère de sexualité exempte de sexe. The Handmaiden nous montre le niveau d’érotisme dont Park est capable lorsque la sexualité fait partie du texte. La relation entre les deux protagonistes crève l’écran d’une façon qui ne laissera pas indifférent le plus endormi des spectateurs (les comparaisons à La vie d’Adèle sont ici justifiées). Avec une grande importance accordée aux mains et aux bouches, il y une volonté d’approcher la sexualité du point de vue féminin pour contraster avec le regard masculin qui oppresse et emprisonne les deux protagonistes. Cet aspect tactile du film propose la sensualité comme alternative à la brutalité du monde (des hommes). Ce même monde ne leur promet une liberté que si elles suppriment leurs instincts et jouent selon des règles sur lesquelles elles n’ont rien à dire.

Allant toujours de l’avant, Park Chan-Wook se construit, d’un film à l’autre, une filmographie des plus intéressantes. Comme ses scénarios, il prend des directions inattendues tout en restant fidèle à sa vision ambitieuse et très originale. Tout en étant un de ses films les plus « doux », The Handmaiden reste quand même puissant et marquant. Avec tant de contenu pour pousser la réflexion, les réécoutes s’annoncent très prometteuses pour un des meilleurs films de l’année.

Présentement à l’affiche au Cineplex Forum et Cinéma du Parc.