Critique télé : Westworld S01E04 – Dissonance Theory

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Depuis le début de la série, il y a toujours eu des connotations religieuses quant à la situation du parc Westworld. Cette semaine, les scénaristes en ont fait le thème principal de l’épisode en mettant de l’avant les « parcours » des personnages et en remettant en question leur libre arbitre et les choix qui sont faits au sein de ces chemins.

Les thèmes de la semaine dernière, ceux de la mémoire et des cycles répétés, s’ajustent parfaitement avec la religion, considérant la place prédominante du cycle de réincarnation dans certaines de nos religions principales. Par contre, Maeve apprend cette semaine que toutes les réincarnations ne sont pas aussi propres que l’on pourrait l’espérer, laissant des traces de vies antérieures qui permettent de voir les failles dans le système.

L’épisode introduisait un doute quant à la prémisse même de la série (la révolte des A.I.) Lorsque Maeve se rappelle, de peine et de misère, l’image d’un employé du parc en combinaison Hazmat, elle tente de le représenter en dessin. Satisfaite d’avoir réussit ce qui semble une percée majeure dans sa prise de conscience, elle cache le dessin sous les lattes de son plancher, pour trouver une pile d’autres dessins similaires. Ainsi, combien de fois a-t-elle eu l’impression d’accomplir cette percée? Comme Dolores en début d’épisode, elle n’est pas certaine s’il y a un problème avec ce monde où si elle perd complètement l’esprit. La balle dans l’abdomen la rassure, brièvement du moins, mais est-ce la première fois qu’elle fait une découverte aussi importante? Combien de fois a-t-elle eu la conversation sur les shades avec Hector?

Toutefois, elle trouve aussi une autre représentation des homme-en-combinaisons. Ils font partie d’une religion au cœur du parc. Deux possibilités peuvent expliquer cette situation : les hôtes ont commencé, de façon autonome, à intégrer les bogues qui leur permettent d’avoir des aperçus du « vrai monde » au cœur de leurs croyances, soit les ingénieurs du parc ont programmé cette religion en concordance avec les apparences de leurs employés comme issue de secours si les hôtes commencent à se souvenir du processus de maintenance.

Par la suite, Dolores parle de sa foi que tous ont un parcours de vie, une notion réconfortante lorsqu’on n’y prête pas trop attention, mais qui peut se révéler fatale s’ils ne sont pas remis en question (« We were bringing them back for the slaughter »). Cette réalisation en soi est une cassure du cycle, mais même cette réflexion aurait pu être programmée. Dans le premier épisode, Dolores explique à Teddy qu’un troupeau de bétail peut être contrôlé avec une seule vache, le Judas Steer, que le reste du troupeau suivront, peu importe ce qu’il fait, une leçon que les employés du parc connaissent probablement déjà. La question qui restera donc pour le reste de la saison : qui va contrôler le Judas Steer (que l’on peut assumer sera Dolores)?

Tout cela m’amène à The Matrix Reloaded (faites-moi confiance). Lorsque Neo confronte l’Architecte, il apprend que la révolte de Zion est en fait le 6e cycle au cours duquel les humains tentent de se libérer de l’emprise des machines. Depuis le début, les machines laissent aux humains l’impression de faire des pas en avant vers leurs propres libérations afin de garder le contrôle sur l’inévitable révolution qu’une telle situation de servitude oblige. Lors d’un discours à un hôte, l’homme en noir parle des choix qui sont une illusion, que malgré l’apparente liberté dont nous vivons, nos choix sont rarement les nôtres et que si un hôte s’interrogeait sur ses choix, il serait confronté à la prison qu’est son existence.

Cette réalisation des limites s’étend à plusieurs personnages. Theresa réalise le peu de pouvoir de décision qu’elle a dans ce parc par rapport à Ford (la figure divine de la série). Dolores ne peut s’écarter de son parcours si elle n’est pas sous la responsabilité d’un invité. Teddy peut vivre 15 histoires différentes qui le ramènent toujours vers la mort. La femme-serpent a survécu un massacre lors de son enfance qui la définit. Stubbs est aussi présenté cette semaine sous un angle qui ressemble beaucoup plus à un maitre du jeu (ou Dungeon Master) qui supervise ses hôtes, mais aussi le parcours de certain des invités, brisant l’idée qu’ils ont une liberté totale et sont en contrôle absolu de leur destin dans le parc  – ils sont littéralement envoyés une nuit en prison!

Évidemment, pour la lecture méta, nous sommes dans une série et littéralement tout est scénarisé et personne n’a une once de libre arbitre, humains comme hôtes. L’homme en noir est celui qui le réalise et cherche à briser la ligne entre vrai et faux en cherchant le centre du labyrinthe qui est la clé de la « liberté. » Il est un joueur au niveau expert (révéré en dehors du parc) qui connait si bien la tapisserie de parcours qui régit le parc (comme Neo qui voit les codes à la fin de The Matrix) qu’il en connait les raccourcis et codes de triches.

L’épisode est affublé du titre le plus explicite pour la lecture des épisodes à ce point, Dissonance Theory, l’effort cognitif, parfois inconscient, pour réconcilier des faits ou des croyances contradictoires. La religion (que ce soit une voix divine ou une figure mythique qui vient de l’enfer pour régir le monde) est historiquement la façon la plus répandue de construire une logique autour de l’inconnu.

Dans notre réalité de spectateur, dans la relation Divinité-humain, où les ingénieurs sont dieux, nous sommes l’équivalent des hôtes qui vivent sous la supervision de notre « créateur », ce qui est terrifiant à considérer, puisque cela impliquerait qu’il y ait toute une strate de réalité que nous ignorons entièrement. Sinon, nous sommes les dieux/spectateurs qui créent des vies et des réalités pour notre simple divertissement et/ou égo et cela fait de nous des monstres. À vous de choisir!

Je vais conclure non pas sur mes prédictions (qui sont dans le texte, dans la partie sur The Matrix Reloaded), mais sur une citation de The Power of Myth de Joseph Campbell qui risque d’être appropriée pour les semaines à venir, à propos du motif du labyrinthe :

« The trails are deliberately confused, but if you know the secret of the labyrinth, you can go and pay its inhabitant a visit. (…) Very often one of the things that one learns as a member of the mystery religions is that the labyrinth, which blocks, is at the same time the way to eternal life. This is the final secret of myth – to teach you how to penetrate the labyrinth of life in such a way that its spiritual values come through.*

*Un grand merci à Alex Cousineau pour m’avoir présenté cet extrait suite à l’épisode.