Compte-rendu du festival Fantasia 2011 (deuxième partie) – Effets comiques et excentricités : le cinéma délirant japonais

(Originalement publié le samedi 13 août 2011 sur zoomshow.tv)

Milocrorze : A Love Story de Yoshimasa Ishibashi

Un des principaux attraits du cinéma japonais à l’international a toujours été son exotisme, sa façon de marquer sa différence. Dans les festivals, et principalement les festivals de genre comme celui-ci, il y a toujours eu un penchant particulier pour un cinéma japonais bizarre ou extravagant. Chaque année à Fantasia, plusieurs films japonais se démarquent par leurs originalités et leurs curiosités. La cuvée 2011 ne fait pas exception, avec en tête le film japonais le plus primé du festival, Milocrorze : A Love Story de Yoshimasa Ishibashi.  Film éclectique japonais par excellence, son prix d’Or du public pour le film le plus innovateur n’est donc pas surprenant. Véritable bonbon visuel (il en faut un par festival), il fut comparé à Survive Style 5+ (Gen Sekiguchi, 2004) et Symbol (Hitoshi Matsumoto, 2009), deux autres « excentricités » qui furent des succès du festival au cours des dernières années, autant pour de bonnes que de mauvaises raisons. Comme ces deux oeuvres, Milocrorze est un film techniquement impressionnant, très divertissant, avec des moments hilarants, mais qui malheureusement pèche trop souvent par excès (par exemple la fameuse scène de combats au super-ralenti qui traine en longueur au point d’en perdre son impact original), en négligeant d’autres aspects que les films précédents ont su mieux combler, c’est-à-dire principalement l’aspect narratif et la profondeur des personnages. Bref, à l’instar de Sekiguchi et de Matsumoto, le réalisateur Ishibashi nous présente un style et une démarche artistique qui fait écho à sa formation en publicité et en vidéo-clip : beaucoup de forme pour peu de contenu. Si ce jeu tape-à-l’œil lui a permis de remporter le prix du meilleur réalisateur et le deuxième prix du public pour le meilleur film asiatique, il est cependant à mettre en contraste avec un autre coup de cœur du festival dans la même veine, The Taste of Tea de Katsuhiro Ishii, qui avait su plus adéquatement marier la forme, visuellement riche, au contenu (profondément humain). Néanmoins, il n’en reste pas moins que le film se veut dans l’ensemble un moment agréable de cinéma japonais délirant, et il n’est d’ailleurs pas surprenant, connaissant les goûts du public fantasien, que le film soit déjà un favori du public.

Le réalisteur Gen Sekiguchi a d’ailleurs participé à l’anthologie Quirky Guys and Gals, accompagné des réalisateurs Yosuke Fujita, Tomoko Matsunashi et Mipo O. Comprenant 4 courts-métrages aux histoires différentes, mais à l’humour également absurde et bizarre, cette production à peu de moyens a le mérite d’être sans prétention et drôlement comique du début à la fin, avec une mention spéciale pour le segment de Sekiguchi, avec cette hilarante histoire de femme au foyer qui accueille généreusement, à la manière de chats errants, des sarariiman (salaryman, les employés d’entreprises) venant de perdre leurs emplois, mais refusant par honte (et par peur de leur femme) de retourner à la maison. Au final, ce film à sketchs s’est avéré une agréable surprise.

Dans la même veine extravagante, mais cette fois-ci du côté de l’animation, Redline de Takeshi Koike est un film tout aussi délirant et divertissant, avec un scénario construit essentiellement pour mettre en valeur les scènes de courses de voiture et une romance entre les deux protagonistes. Néanmoins, il faut souligner les dessins délirants qui rappellent ceux du STUDIO4°C, mais sans le génie d’un Mind Game (2004) de Masaaki Yuasa. Le film a remporté le premier prix du public dans la catégorie du meilleure film d’animation.

Le second prix du public fut décerné au second film d’animation japonaise présenté à Fantasia cette année, Legend of the Millenium Dragon de Hirotsugu Kawasaki, une agréable surprise provenant du créateur de Spriggan. Film très classique dans le genre, et qui n’est pas sans rappeler Princesse Mononoke de Hiyao Miyazaki dans sa thématique et sa morale pro-écologique, il est néanmoins très efficace dans la construction de sa montée dramatique et ses scènes d’action enlevantes. Le travail d’animation et la facture visuelle sont bien maîtrisés, surtout dans cet heureux parti-pris de créer le film entièrement en 2D traditionnel, dessiné à la main, ce qui au final le démarque de la production actuelle de l’animation japonaise. Un autre aspect intéressant est le contexte narratif de ce film mythologique, se déroulant durant l’ère Heian (794-1185), une période peu exploitée dans le cinéma japonais malgré sa richesse culturelle.

La troisième partie de ce compte-rendu se concentre sur les films d’horreur japonais présentés au festival.